Oublions le modèle québécois et stimulons l'investissement privé


Édition du 08 Février 2014

Oublions le modèle québécois et stimulons l'investissement privé


Édition du 08 Février 2014

Rien ne justifie les discours négatifs, a lancé la première ministre du Québec, Pauline Marois, dans une conférence qu'elle prononçait récemment à Montréal.

On la comprend de vouloir chasser les mauvais esprits qui paralysent l'économie du Québec et de nous inciter à rester positifs. Il est vrai que la conjoncture économique est défavorable et que la concurrence est vive sur les marchés étrangers.

Il est toutefois temps de se rendre compte que plusieurs facteurs structurels, qui influent sur notre sous-performance, résultent de politiques imprudentes et idéologiques mises en place par Québec au fil de plusieurs décennies.

Le fiscaliste Luc Godbout et les économistes Pierre Fortin et Matthieu Arsenault viennent une fois de plus de nous avertir que le Québec vit au-dessus de ses moyens. Selon eux, le déficit du gouvernement atteindra 17 milliards de dollars en 2030 et 63 G$ en 2050, s'il continue sur sa lancée. Mais le gouvernement ne les écoute pas, comme en témoignent les dizaines de subventions qu'il distribue ces jours-ci.

Le gouvernement Marois ignore-t-il qu'il se dirige vers un déficit de 2,5 G$ pour l'exercice en cours ? Bien sûr que non. Il achète des votes en prévision des prochaines élections avec votre argent et le mien, et même avec celui de nos enfants et de nos petits-enfants, puisque tous ces bonbons se retrouveront dans la dette qu'ils devront eux aussi rembourser. L'indiscipline est bien installée. La récréation, dont bien des ministres des Finances ont sonné la fin de façon presque solennelle, se poursuit sans relâche.

Nous sommes «accros» au gaspillage.

On ne parle pas ici de bagatelles. Ce sont des centaines de millions que le gouvernement Marois a engagés pour soutenir des investissements privés (jeux vidéo, développement d'hydroliennes, cimenterie, etc.). Vrai, l'État a toujours subventionné ce genre d'investissements. Ce qui est nouveau, c'est la générosité accrue des subventions, de même que le niveau de risque élevé que prend l'État avec l'argent des contribuables.

Des investissements privés faméliques

On comprend pourquoi le gouvernement subventionne autant. Sans cette prodigalité, la dégringolade que connaît déjà cette composante essentielle de l'économie serait encore plus tragique. Selon le groupe dirigé par Robert Gagné, de HEC Montréal, les investissements privés au Québec représentaient 14,5 % du total canadien en 2012, alors que le Québec compte pour 19,7 % du PIB canadien.

Le gouvernement a plusieurs raisons de s'inquiéter. Il ne s'est créé que 175 emplois par mois en moyenne en 2013. Par rapport aux autres provinces, la rémunération moyenne des salariés du Québec est la seule à avoir subi une baisse, de novembre 2012 à novembre 2013. Le Québec est le seul à avoir enregistré une diminution des ventes de voitures neuves en 2013. Notre secteur manufacturier ne cesse de se contracter et nos exportations chutent (- 30 % de 2001 à 2012, sur une base par personne).

Pendant ce temps, notre gouvernement poursuit son projet indépendantiste, qui a fait fuir plusieurs sièges sociaux et des dizaines de milliers de citoyens, et qui continue de nourrir l'inquiétude. Il tente de renforcer la loi 101 de façon discriminatoire, décourage l'investissement (lois minières désincitatives, moratoires sur l'exploration et l'exploitation de ressources) et consacre d'importantes énergies à un débat controversé sur le port de signes ostentatoires des salariés du secteur public.

Le modèle québécois a fait son temps

Il faut larguer le modèle québécois. Selon l'étude de Robert Gagné, le poids des dépenses de l'État québécois est rendu à 47 % de son PIB, niveau qui dépasse celui de la Finlande (45 %), des Pays-Bas (41 %) et de la Norvège (39 %), des pays reconnus pour leur haut niveau d'intervention dans l'économie.

Les programmes sociaux que les gouvernements ont mis en place pour se faire aimer et dont une partie de la facture s'est retrouvée sur la carte de crédit nous ont endettés de façon irresponsable. Et ce n'est pas fini. Il faut maintenant investir des milliards de dollars pour retaper nos infrastructures.

Mais notre grand frère veille sur nous. Le Québec recevra en péréquation 7,8 G$ cette année et 9,3 G$ en 2014-2015. En 2012, le fédéral a dépensé au total au Québec 16,3 G$ de plus que les recettes de toutes sources (impôts, taxes, cotisations, etc.) qu'il a tirées des acteurs économiques de la province, ce qui montre bien notre grande dépendance.

Il faut arrêter de «fuir par en avant» et de vendre des illusions. Il faut gérer l'État de façon responsable et créer un climat favorable à l'investissement privé. C'est rêver de penser que notre salut passe par l'État.

Le poids des dépenses de l'État québécois est rendu à 47 % du PIB québécois, niveau qui dépasse celui de la Finlande (45 %), des Pays-Bas (41 %) et de la Norvège (39 %), des pays reconnus pour leur haut niveau d'intervention dans l'économie.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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