Le sort de l'ALÉNA, indissociable du tempérament de Trump


Édition du 21 Octobre 2017

Le sort de l'ALÉNA, indissociable du tempérament de Trump


Édition du 21 Octobre 2017

La quatrième ronde de renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) est à ce point difficile que l'on anticipe maintenant un échec.

En effet, non seulement en a-t-on appris davantage sur les visées protectionnistes des États-Unis, mais on a mieux compris l'influence qu'aura Donald Trump sur l'issue de cette négociation. Il importe aussi de comprendre que Trump se présente comme un excellent dealmaker, un négociateur qui a du succès dans les transactions qu'il réalise. Il en a fait toute sa vie et il voit son rôle de président de la même façon.

Au lieu d'agir en chef d'État, de s'inscrire dans la continuité historique de ce qui a été accompli par ses prédécesseurs et de chercher à bâtir sur cet héritage, il déconstruit. Il a rejeté le projet de Partenariat transpacifique, il a dénoncé l'Accord de Paris sur le climat et il dénonce l'entente sur le nucléaire avec l'Iran, malgré l'opposition de proches conseillers. Alors que le Congrès lui a fait faux bond sur le rappel de l'Obamacare, il attaque ce programme public d'assurance santé par des décrets limitant sa portée.

Il n'aime pas les ententes multilatérales comme l'ALÉNA. Il préfère des négociations à deux, qui lui donnent plus de pouvoir pour exiger, bluffer, menacer et prendre le plein crédit de l'entente à conclure. Comme il l'a maintes fois répété, il est tout à fait possible qu'il en arrive à vouloir tuer «le pire accord de libre-échange à avoir été conclu», ce qui ouvrirait la porte à la négociation d'ententes bilatérales qu'il pourrait chercher à signer avec le Canada et le Mexique. Le Congrès aurait toutefois son mot à dire.

Ces négociations ne seront pas des parties de plaisir. Trump ne croit pas aux ententes gagnantes pour les deux parties. Selon sa conception, une négociation fait nécessairement un gagnant et un perdant.

Il devrait être un peu plus conciliant avec le Canada, puisque les États-Unis affichent un léger surplus dans leurs échanges commerciaux avec notre pays. Il semble aussi avoir une certaine affection pour Justin Trudeau. Le président américain se collera néanmoins aux vues de sa base d'électeurs, qui veulent freiner les importations, qui désirent un meilleur accès au marché canadien pour leur lait et leurs poulets et qui veulent plus d'emplois dans les usines et dans les mines de charbon. En lien avec son leitmotiv «America first», il cherchera à accroître le contenu américain dans le matériel de transport et les équipements, et à imposer des tarifs douaniers et des quotas sur les produits importés.

La négociation sera beaucoup plus difficile avec le Mexique, qui affiche un surplus commercial de 60 milliards de dollars américains avec les États-Unis. Sans oublier que Trump veut toujours construire un mur à la frontière du Mexique et à en faire payer le coût à son voisin. Il se peut que cette négociation échoue, ce qui inciterait le Mexique à négocier une entente bilatérale avec le Canada, qui vient de signer un accord avec l'Europe.

Catastrophique pour tout le monde

Le démantèlement de l'ALÉNA serait une catastrophe. Cela briserait les chaînes d'approvisionnement que les sociétés nord-américaines ont développées depuis 23 ans, ce qui créerait des difficultés majeures sur le plan de l'approvisionnement, de la productivité et de la compétivité face aux produits de pays tiers. Il s'ensuivrait des prix plus élevés pour tout le monde. Selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce sur les tarifs douaniers accordés à la nation la plus favorisée, ceux-ci croîtraient en moyenne de 3,5 % aux États-Unis, de 4,2 % au Canada et de 7,5 % au Mexique.

Le retour possible au protectionnisme d'avant l'ALÉNA illustre l'ignorance crasse du président américain sur les avantages de la spécialisation des marchés, qui est le fondement de la théorie des avantages comparatifs développée il y a 200 ans par l'économiste britannique David Ricardo. Même s'il est contre-intuitif, ce concept a été reconnu comme l'un des plus grands vecteurs de prospérité pour tous les pays qui l'ont mis en oeuvre.

Malheureusement, le protectionnisme est plus facile à comprendre pour les deplorables qui forment la base électorale du président.

Dans ce dossier comme dans ceux de l'immigration et des armes à feu, Trump gère surtout en fonction de sa base, ce qui l'amène à tenir des propos simplistes, à jouer avec les chiffres, à mentir et à se donner en spectacle comme il le faisait dans The Apprentice. Pour satisfaire son ego, il tweete sans relâche, cherche à se faire voir et à ce que l'on parle de lui tous les jours. Il s'en assure en injuriant, en menaçant et en créant des chicanes. Son escalade verbale avec le leader nord-coréen Kim Jong-un a exposé sa témérité, son manque de jugement et sa dangerosité. Tout cela prouve qu'il n'a pas la stature exigée par sa fonction et qu'il mine la crédibilité de son pays.

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alAprès l'acquisition de Maluuba par Microsoft et l'implantation à Montréal de laboratoires de recherche en intelligence artificielle par Google, Facebook et Samsung, voilà que Thales y crée un centre de recherche en intelligence artificielle en avionique. Cet engouement résulte de l'excellence de nos chercheurs. Souhaitons que plus d'étudiants et de chercheurs se tournent vers ce domaine, afin de répondre aux besoin des entreprises du secteur.

Je n'aime pas
Puisque les déficits des régimes de retraite sont des créances selon la Loi sur les arrangements avec les créanciers, le déficit d'environ 270 M$ du régime de retraite des employés de Sears Canada pourrait ne pas être comblé à la liquidation de la chaîne de magasins. Cela pourrait réduire de près de 20 % les rentes des 17 000 retraités actuels et futurs de l'entreprise. À quand un amendement à cette loi pour rendre prioritaires les déficits des régimes de retraite lorsque les entreprises sont liquidées ?

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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