Ne soyons pas les parents pauvres de la retraite


Édition du 25 Février 2017

Ne soyons pas les parents pauvres de la retraite


Édition du 25 Février 2017

Le gouvernement du Québec a récemment tenu des consultations sur la réforme du Régime de rentes du Québec (RRQ). Cet exercice suit le dépôt en décembre dernier d'un document qui compare la position du gouvernement du Québec (scénario RRQ) avec la proposition du gouvernement fédéral (Option RPC), que les autres provinces ont adoptée.

Le Québec a décidé de faire cavalier seul pour atténuer l'impact du coût de l'Option RPC sur les employeurs québécois, qui assument déjà des prélèvements sur leur masse salariale supérieurs à ceux de leurs vis-à-vis du Canada anglais.

Un peu d'histoire

Le RRQ a été créé par le gouvernement du Québec en 1966 parallèlement au Régime de pensions du Canada (RPC) pour les travailleurs des autres provinces. Ces deux régimes ont été identiques pendant plusieurs décennies sur les aspects des rentes versées, des cotisations payées et du maximum des gains assurables (MGA). Puisque ces régimes n'ont pas été pleinement capitalisés, les rentes promises aux premiers cotisants sont payées en partie par les cotisations des futurs adhérents, ce qui a créé une importante iniquité intergénérationnelle.

Ces dernières années, le taux de cotisation du RRQ a été graduellement porté à 10,8 %, partagé à 50-50 par le salarié et l'employeur, alors que celui du RPC est demeuré à 9,9 %.

La rente versée représente 25 % des revenus de travail moyens des cotisants à l'âge de 65 ans. Par exemple, Luc, qui a eu un revenu moyen de 40 000 $ pendant toutes ses années de cotisation, recevrait cette année un revenu à la retraite de 16 880 $ (6 880 $ de la Sécurité de la vieillesse et 10 000 $ du RRQ) s'il n'a pas cotisé à un REER et s'il n'a pas participé à un régime de retraite d'employeur. Pour sa part, Lise, qui a eu un revenu de travail moyen de 80 000 $, recevrait cette année 19 990 $ (6 880 $ de la SV et 13 110 $ du RRQ) si elle n'a pas non plus cotisé à un REER et participé à un régime d'employeur. C'est une chute de revenu brutale pour André et Lise, qui ont des chances de vivre jusqu'à 85 ans (lui) et de frôler 90 ans (elle). Comme c'est le cas pour presque 60 % des gens qui gagnent moins de 50 000 $, André et Lise n'ont pas épargné. C'est catastrophique !

Devoir de l'État

L'État pourrait ne rien faire, mais ce serait irresponsable. L'espérance de vie a beaucoup augmenté depuis 1966, alors que le rendement sur les placements a beaucoup diminué. Une rente annuelle de 6 000 $ coûte aujourd'hui environ 100 000 $, alors que ce montant en procurait une de près de 14 000 $ en 1985. Il y a pas mal d'années que les ministres des Finances discutent de cet enjeu, mais sans en arriver à un compromis. Les syndicats demandaient de porter le taux de la rente du RRQ et du RPC à 50 % du MGA, mais les employeurs ne voulaient pas voir leurs coûts augmenter. En Ontario, le gouvernement actuel a même proposé de créer son propre régime, qui aurait visé un taux de rente de 40 % du MGA.

L'Option RPC porte la rente de 25 % à 33,3 % du MGA. Le Québec propose plutôt un taux combiné de rente de 29 %, qui est la moyenne de 33 % pour ceux qui gagnent plus de 50 % du MGA et de 25 % (taux stable) pour ceux qui gagnent moins de 50 % du MGA et qui continueraient de recevoir le Supplément de revenu garanti (SRG) du fédéral. Pour les participants au RPC qui perdront une partie ou la totalité du SRG, on a prévu compenser cette perte par une bonification de la prestation fiscale pour le revenu du travail. Les deux propositions prévoient accroître le MGA de 14 % à 62 600 $ et de capitaliser 100 % des rentes additionnelles. En 2025, au terme de la hausse graduelle du taux de cotisation, le scénario québécois ajouterait 0,50 $ par 100 $ de gains pour une personne gagnant l'équivalent du MGA, alors que l'Option RPC ajouterait 0,94 $. Le régime atteindrait sa pleine maturité en 2065.

Si les deux régimes sont mis en place tel que prévu, les travailleurs québécois seront les parents pauvres de la retraite au Canada. Le ministre Carlos Leitao, qui pilote le dossier pour le Québec, s'est dit ouvert à des changements, mais rien n'est moins sûr. Alban D'Amours, qui a présidé un groupe de travail sur la retraite, le fiscaliste Luc Godbout, l'actuaire René Beaudry et l'actuaire et ex-vice-président de la Caisse de dépôt Bernard Morency ont suggéré au ministre Leitao d'opter pour l'Option RPC.

En plus d'être plus équitable pour les jeunes et la classe moyenne, cette option a l'avantage de simplifier la vie des employeurs québécois qui ont des salariés dans les autres provinces. De plus, la différence de coût est minime entre le scénario québécois et l'Option RPC, comme le révèle d'ailleurs le document de consultation du Québec. Ainsi, l'Option RPC n'accroît que de 12 120 $ la cotisation d'un employeur qui a une masse salariale de 2 932 000 $, par rapport au coût additionnel du scénario RRQ.

Voilà de quoi alimenter pleinement la réflexion du ministre Leitao, qui prévoit présenter un projet de loi à ce sujet à l'automne.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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