Créons des réserves financières pour protéger nos infrastructures


Édition du 25 Janvier 2014

Créons des réserves financières pour protéger nos infrastructures


Édition du 25 Janvier 2014

Le maire Denis Coderre prend des décisions qui permettent d'être optimiste pour ce qui est de la gestion de la Ville de Montréal.

1. Il a recruté comme directeur général Alain Marcoux, qui occupait le même poste à la Ville de Québec. M. Marcoux s'est avéré un bon gestionnaire. Il a fait certifier celle-ci par la Government Finance Officers Association (GFOA), qui promeut les bonnes pratiques dans la gestion financière des gouvernements. Montréal n'est plus certifiée par la GFOA. Alain Marcoux a déjà ciblé deux postes budgétaires dans lesquels des économies peuvent être faites : le coût des accidents du travail, qui est élevé, et les aires de travail des fonctionnaires, qui dépassent les normes des gouvernements provincial et fédéral.

2. L'administration Coderre présentera au conseil municipal de février la création du service de performance organisationnelle promis au cours de la campagne électorale. Ce service examinera les processus et les activités de la Ville dans le but de les simplifier, mesurera leur coût et les comparera avec celui d'autres villes. On accroîtra l'imputabilité des gestionnaires et on créera une banque de données accessibles aux citoyens pour connaître la performance de leur ville.

Ce n'est qu'un début. Une autre indication nous sera donnée par le budget que prépare l'équipe Coderre. Il faut espérer qu'on n'imitera pas Michael Applebaum qui, pour limiter à 2,2 % la hausse des charges fiscales en 2013, avait coupé dans le fonds de l'eau. Celui-ci sert à financer la réhabilitation des conduites d'aqueduc et d'égout de la ville, qui sont très délabrées. C'était irresponsable.

Selon Roger Galipeau, ex-directeur des finances de la Ville de Montréal, expert en budgétisation et réviseur pour la GFOA, la métropole a un déficit d'entretien de ses infrastructures de 12,7 milliards de dollars. Autrement dit, c'est la somme que la Ville devrait investir pour remettre en bon état ses immeubles, les voies publiques, les viaducs, le réseau de transport en commun, les conduites d'aqueduc et d'égout et les autres infrastructures présentes sur son territoire. Cet enjeu est énorme, puisque ce déficit représente 2,8 fois le budget de la Ville (4,5 G$ en 2013).

Un exemple à suivre

La détérioration des infrastructures est un phénomène nord-américain. Au Canada, le Centre canadien de politiques alternatives a estimé que le sous-investissement dans les infrastructures du pays, du début des années 1980 jusqu'en 2011, a atteint 145 G$. Alors que les dépenses en infrastructures représentaient près de 3 % du PIB canadien au cours des décennies 1960 et 1970, cette proportion a graduellement baissé à environ 2 % dans la décennie 1980, puis à 1,5 % dans les décennies suivantes, avant de remonter à 2,75 % au début de la décennie 2010. Ces tendances sont probablement les mêmes au Québec, d'où le rattrapage amorcé par le gouvernement Charest.

Cette situation est aussi déprimante qu'inquiétante, puisque ce besoin de remise à niveau et de reconstruction (la facture du nouvel échangeur Turcot, du nouveau pont Champlain et de trois grands hôpitaux universitaires de Montréal atteindrait 10 G$) survient à un moment où les finances publiques sont sous pression. C'est au moment où l'économie se redresse que l'on devrait rembourser nos dettes et renflouer les fonds de stabilisation pour les périodes difficiles.

Chez nos voisins, la National Association of State Budget Officers demande aux États et aux villes de prévoir des fonds de stabilisation des dépenses d'infrastructures pour les années de récession. À titre d'exemple, l'État du Massachusetts a un fonds de stabilisation de 1,35 G$, ce qui représente 4 % de son budget ; cette réserve avait même dépassé 8 % du budget de l'État en 2007, alors que Mitt Romney en était le gouverneur.

Au Québec, nous sommes à cent lieues de cette prévoyance financière. Nous préférons vivre au-dessus de nos moyens, pelleter par en avant. Plus que jamais, c'est le moment non seulement de rembourser nos dettes, mais aussi de nous doter de réserves pour les mauvais jours.

Denis Coderre nous fera-t-il la surprise de présenter un budget structurellement équilibré, c'est-à-dire qui prévoit des fonds de stabilisation pour les différentes catégories d'infrastructures de la métropole ? Ce serait une excellente nouvelle et un très bel exemple à suivre pour les autres municipalités et le gouvernement du Québec.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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