La gouvernance organise le passage à l'action. Elle détermine qui a les pouvoirs, qui prend les décisions, qui se fait entendre et à qui on rend des comptes.
Cette définition bien concrète de la gouvernance a été énoncée par Léonard Aucoin, consultant du domaine de la santé, lors du forum de la Coalition Priorité Cancer au Québec qui a réuni environ 30 organismes engagés dans tous les aspects de la lutte contre cette maladie, le 15 septembre dernier.
La stratégie de lutte contre le cancer au Québec baigne dans la confusion. Les rôles et les responsabilités des divers intervenants sont mal définis et ne sont pas coordonnés. Deux projets de loi proposant une agence de coordination, qui ont été respectivement déposés en 2008 et 2010, sont morts au feuilleton.
Le gouvernement a annoncé une «direction québécoise de cancérologie» en 2011, mais trouver un directeur a pris 11 mois. Après avoir conçu un plan d'action, qui a été mal accueilli par les intervenants, le ministère de la Santé et des Services sociaux a réalisé une consultation, qui devait mener à la création d'un organisme de coordination. Or, ce projet est resté dans les limbes. Le ministère a publié en avril 2013 un plan d'action comprenant 5 grandes priorités et 19 objectifs. C'est beau sur papier, mais ce plan n'a pas d'objectifs quantifiables et on n'y trouve aucun budget. Deux ans et demi plus tard, on ne voit pas de résultats probants.
L'essentiel de la stratégie est exécuté dans les hôpitaux, où l'on retrouve différents centres de cancérologie. Les centres intégrés font de la recherche, traitent la plupart des types de cancer et bénéficient d'infirmières pivots qui suivent les patients. De plus, des centres régionaux dispensent certains traitements. En principe, le patient a toujours le droit de choisir son médecin traitant et son hôpital, mais ce n'est pas le cas en pratique. En effet, la nouvelle loi 10 annonce des corridors de soins dans lesquels seront guidés les patients. De plus, il arrive que des patients soient laissés à eux-mêmes au terme de leur traitement.
Puisqu'ils sont autonomes, les oncologues doivent se battre pour donner à leurs patients les meilleurs traitements. Chacun est responsable de ses patients, mais il n'existe pas de responsabilisation collective. Puisque les nouveaux traitements coûtent cher, leur accès est limité. Seulement 4 % des Québécois diagnostiqués participent à un protocole de recherche.
Fait aberrant : les oncologues n'ont toujours pas accès à un registre de données fiables sur le parcours de traitement des patients, les résultats obtenus et les taux de survie. Les données existent, mais elles sont éparpillées dans différentes structures (RAMQ, hôpitaux). On n'est pas encore parvenu à les intégrer et à en faire un outil pertinent pour les médecins traitants, malgré la fortune qui a été dépensée pour leur compilation. Aux dernières nouvelles, les données sur les patients traités en 2011 seront disponibles en 2016, ce qui veut dire qu'elles seront inutiles pour les besoins actuels des cliniciens. Il y a plusieurs années, le Québec a refusé de se doter d'un système de classification de données semblable au système canadien, ce qui nuit aux comparaisons des résultats. A-t-on voulu cacher notre inefficacité ? Si oui, c'est honteux !