Le risque caché des fonds privés


Édition de Octobre 2017

Le risque caché des fonds privés


Édition de Octobre 2017

Ils disent offrir stabilité et rendements. Et si ce n'était que du vent ?

Récemment, un fonds privé d'EnerVest qui a investi dans les énergies fossiles semble s'être effondré, ce qui a entraîné la perte probable de pratiquement tout le capital investi. C'est une belle occasion d'illustrer un aspect peu connu des fonds privés : le risque de liquidité.

Depuis plusieurs années, les investisseurs institutionnels placent une partie de leur allocation dans des fonds privés. Généralement, les actifs détenus dans ces fonds sont peu liquides et les investisseurs y voient la possibilité d'obtenir un meilleur rendement en étant rémunérés pour ce risque de liquidité. En contrepartie, les investisseurs acceptent d'investir pour plusieurs années, sans pouvoir retirer leur avoir. C'est une contrainte essentielle afin de permettre aux fonds de traverser certaines périodes potentiellement plus difficiles sans devoir liquider les actifs sous-jacents.

De plus en plus, des fonds similaires sont offerts aux particuliers fortunés. C'est une façon pour les firmes de gestion privée d'offrir un produit différencié et d'attirer une clientèle qui cherche un produit auquel n'ont pas accès les plus petits investisseurs. Souvent, un des principaux arguments de vente de ces fonds est qu'ils offrent un rendement comparable à celui du marché boursier avec moins de risque. Est-ce vraiment le cas ?

Si l'on se fie aux présentations marketing et aux rendements publiés de plusieurs fonds privés, ça semble être souvent le cas. Mais ce qui est moins transparent, c'est la façon dont les rendements sont calculés, et cela peut changer du tout au tout l'analyse qu'en ferait un investisseur bien informé.

Pour un fonds commun de placement ou un fonds négocié en Bourse, la juste valeur marchande est généralement facile à calculer, puisque le prix des actifs est établi quotidiennement par les marchés. Or, dans le cas des fonds privés, les actifs détenus sont rarement négociés sur les marchés boursiers. Pour publier un rendement mensuellement, les fonds ont souvent recours à des modèles mathématiques qui estiment la juste valeur marchande des actifs. Ces modèles sont rarement aussi efficaces que les marchés à refléter les changements dans l'environnement économique, politique ou autre. Le résultat est que les rendements publiés sont plutôt stables, jusqu'au moment où un événement important force le gestionnaire du fonds à modifier son modèle pour y refléter un élément imprévu. La plupart du temps, si cette situation se produit, c'est un ajustement négatif qui sera fait.

Généralement, les fonds privés donneront l'impression d'offrir des rendements plus stables, mais dans les faits, c'est souvent une illusion qui reflète une absence de transparence dans les prix des actifs sous-jacents. L'avantage d'offrir un rendement plus stable permet alors aux fonds privés d'attirer des actifs supplémentaires, de facturer des frais plus élevés et de convaincre les investisseurs d'investir pour plusieurs années sans possibilité de retrait. Bref, ce ne sont pas des caractéristiques que recherche un investisseur bien informé.

De par leur mandat, les grandes caisses de retraite ont un horizon de placement beaucoup plus long qu'un particulier et sont bien équipées pour analyser les avantages et les inconvénients des fonds privés, mais l'investisseur fortuné l'est probablement beaucoup moins. Il est important de comparer des occasions d'investissement sur des bases comparables, et souvent, dans le cas des fonds privés, les comparaisons sont malheureusement biaisées.

ENCORE MOINS INTÉRESSANT

Les bons rendements des marchés au cours des dernières années ainsi que de nouvelles contributions ont fait augmenter rapidement l'actif des grandes caisses de retraite. L'actif sous gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a augmenté en moyenne de 10 % au cours des cinq dernières années, et celui d'Investissements PSP (l'équivalent canadien de la CDPQ), de 16 %. Ces gestionnaires ainsi que de nombreux autres à l'échelle mondiale sont tous à la recherche de meilleurs rendements et sont aussi attirés par les fonds privés. Or, plus il y a d'investissements dirigés vers un type d'actif, plus les primes de risque diminuent et plus la qualité des occasions peut diminuer. Il est donc important de se demander si les fonds privés offrent encore de bonnes perspectives par rapport à d'autres types d'investissements plus liquides, particulièrement pour les plus petits investisseurs.

À propos de ce blogue

Ian Gascon est président de Placements Idema (www.idema.ca), un gestionnaire de portefeuille qui propose des solutions de placements personnalisées, à faible coût et utilisant des fonds négociés en bourse (FNB). «Les FNB démystifiés» est le premier blogue francophone dédié aux fonds négociés en bourse au Canada et Placements Idema est la première société au Canada à avoir lancé un service en ligne de gestion de portefeuille, maintenant mieux connu sous le terme «robot-conseiller».

Ian Gascon

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