Des obligations à rendement négatif


Édition de Mars 2017

Des obligations à rendement négatif


Édition de Mars 2017

Bien que les taux d'intérêt soient à la hausse depuis l'élection américaine, les taux sont encore à des niveaux historiquement bas, et cette réalité se traduit par certains effets inattendus et surprenants.

En juin 2016, un record de près de 12 billions (12 000 milliards) de dollars d'obligations, majoritairement de la dette gouvernementale de pays développés, s'échangeait avec un rendement anticipé négatif. C'est-à-dire qu'un investisseur achetait des obligations, par exemple pour 101 dollars dans l'espoir d'obtenir 100 dollars à l'échéance. C'est une situation exceptionnelle qui reflète une anticipation de faible taux d'intérêt, d'injection massive de liquidités dans l'économie mondiale et d'une recherche de protection du capital. Toutefois, ce n'est pas de ces obligations à rendement négatif que je veux traiter, mais plus particulièrement d'obligations canadiennes, comme on en retrouve dans la plupart des portefeuilles équilibrés.

À des fins d'illustration, prenons l'exemple d'une obligation de la Banque de Montréal dont l'échéance est le 12 juillet 2018, qui verse un coupon de 6,02 % et qui se négocie actuellement à 106 dollars.

Bon nombre d'investisseurs pensent que le coupon reçu d'une obligation, dans ce cas-ci 6,02 %, correspond à son rendement chaque année. Il est vrai qu'un investisseur qui achète cette obligation à 100 dollars, souvent lors de l'émission, recevra un rendement de 6,02 % sur toute la période de détention, mais dès que les taux d'intérêt varient, ce rendement pourra varier d'une année à l'autre. Pour l'obligation ci-dessus (et pour la majorité des obligations en circulation), les taux d'intérêt ont baissé depuis l'émission, ce qui a entraîné une hausse du prix de l'obligation, et par le fait même, une baisse du rendement futur. Ainsi, en date d'aujourd'hui, un investisseur recevra un rendement de seulement 1,2 % s'il conserve cette obligation jusqu'à l'échéance, et ce, avant de considérer l'impôt. On est bien loin des 6,02 % du coupon. L'écart s'explique en grande partie parce que l'obligation sera rachetée à 100 dollars à l'échéance, malgré un prix actuel de 106 dollars.

Si cette obligation est détenue dans un compte non enregistré, l'analyse se complique un peu. En supposant qu'un investisseur achète cette obligation aujourd'hui, qu'il est sujet au taux d'imposition marginal de 50 % et qu'il détient l'obligation jusqu'à l'échéance, quel sera son rendement ?

Le rendement annualisé avant impôt sera le même, soit 1,2 %. Mais après avoir considéré l'impôt sur les intérêts qui sont calculés sur le coupon, et non sur le rendement à maturité, et le crédit lié à la perte en capital pour avoir vendu un titre à perte (achat à 106 dollars qui est racheté à 100 dollars), le rendement net d'impôt sera d'environ -0,7 %, soit un rendement négatif. Plus l'écart entre le coupon et le rendement à maturité est élevé, plus l'impact de l'impôt sera important.

Est-ce que cet exemple devrait nous inciter à retirer les obligations d'un portefeuille équilibré ? Pas du tout, mais il est important de bien comprendre les paramètres qui justifient l'inclusion d'obligations de certains types dans un portefeuille. Des éléments comme la durée, le coupon, le rendement à l'échéance, le risque de crédit et le type de compte dans lequel l'obligation sera détenue sont tous des paramètres essentiels à considérer afin de faire un choix éclairé. Ne pas prendre en considération l'effet, ne serait-ce que d'un seul de ces paramètres, peut entraîner un mauvais choix de placement.

Les rendements de ces exemples peuvent varier rapidement en fonction de l'évolution des taux d'intérêt, mais il n'en demeure pas moins que dans le contexte actuel, la conclusion est souvent la même : le rendement espéré des obligations après impôt est souvent très faible, voire négatif.

DES FNB D'OBLIGATIONS AUSSI TOUCHÉS

Le même type d'effet se produit avec certains fonds négociés en Bourse qui détiennent des obligations dont les coupons sont élevés par rapport au rendement à maturité. Prenons, par exemple, le iShares 1-5 Year Laddered Government Bond Index ETF (CLF), un FNB d'environ 1 milliard de dollars d'actifs dont le coupon moyen pondéré est de 3,31 %, et le rendement à l'échéance, de 1,13 %. En tenant compte des frais de gestion de 0,17 %, le rendement espéré après impôt dans un compte imposable au taux marginal le plus élevé sera d'environ -0,1 %. Difficile de battre l'inflation avec ce type d'investissement !

À propos de ce blogue

Ian Gascon est président de Placements Idema (www.idema.ca), un gestionnaire de portefeuille qui propose des solutions de placements personnalisées, à faible coût et utilisant des fonds négociés en bourse (FNB). «Les FNB démystifiés» est le premier blogue francophone dédié aux fonds négociés en bourse au Canada et Placements Idema est la première société au Canada à avoir lancé un service en ligne de gestion de portefeuille, maintenant mieux connu sous le terme «robot-conseiller».

Ian Gascon

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