Une nouvelle entreprise québécoise pour Bitmain

Publié le 03/07/2018 à 18:14

Une nouvelle entreprise québécoise pour Bitmain

Publié le 03/07/2018 à 18:14

[Photo: Bitmain]

En poussant un nouveau pion sur l’échiquier entrepreneurial du Québec, le géant chinois du bitcoin alimente toutes sortes de spéculations quant à un ambitieux projet de minage dans la province.

Il devrait se munir d'un copyright, le hasard; il en ferait des sous avec toutes ces coïncidences, avait un jour couché avec pertinente ironie dans les colonnes du Devoir notre confrère Jean Dion.

Le chroniqueur avait ainsi parfaitement croqué ce sentiment que vous éprouverez peut-être en voyant apparaître au registre des entreprises québécoises cette toute nouvelle entité.

Ne déclarant rien à propos de ses activités économiques ou du nombre de salariés au Québec et ne renseignant que pour seul administrateur l’actuel PDG de la société-mère pékinoise, Équipement Bitmain a été immatriculée le 14 juin dernier.

Soit précisément une semaine après l’annonce par le ministre québécois de l’Énergie d’un moratoire frappant les nouveaux projets cryptographiques et sept jours avant la présentation par Hydro-Québec d’un processus de sélection d’industriels de la blockchain reposant essentiellement sur un tarif dissuasif que les soumissionnaires seraient prêts à concéder (d’au moins 0,01$ par KWh).

Pure coïncidence du calendrier?

Découvertes fortuites

Même si le fabricant chinois de l’incontournable gamme de «machines à jetons numériques» Antminer a eu droit à une rencontre privilégiée avec Hydro-Québec et que les conditions de fourniture d’énergie discutées pour l’instant semblent taillées sur mesure pour un acteur de la stature de Bitmain, il s'agirait de découvertes fortuites.

Autre heureuse coïncidence, l’adresse du domicile indiquée pour cette division québécoise de Bitmain ressemble à s’y méprendre à celle d’un cabinet d’avocats bien connu pour «ses liens étroits de avec les institutions gouvernementales et les leaders d’industrie». 

Le monde étant petit, il s’avèrerait que les avocats représentent d’ailleurs au moins une autre entreprise spécialisée dans les cryptomonnaies. Entreprise dont le management est «bien de chez nous» cette fois.

Contacté par nos soins, en veillant à ne pas contrevenir à la confidentialité des clients, ledit cabinet n’a pas été en mesure d’invoquer l’erreur.

Puis, soudain, échaudée par la tournure des événements au pays, la communauté crypto du Québec a de nouveau été parcourue de spéculations, avec Bitmain dans le rôle de l’ogre énergétique.

De sources concordantes, Hydro-Québec, le gouvernement Couillard et un groupe tiers auraient conclu une pré-entente  pour l’installation de nouvelles infrastructures liées à la chaîne de blocs. 

On parlait dernièrement d’un projet totalisant 200 MW ou l’équivalent de 120 000 ASICS, adjoint d’un centre logistique pour l’entretien d’appareillages mais également accompagné d’un partenariat en R&D à Montréal dans l’intelligence artificielle.

Aucun favoritisme, assure Hydro-Québec

«Aucune entente n’a été conclue ou n’est même regardée présentement. Les propositions reçues par le passé ne sont pas traitées à l’heure actuelle, en vertu du moratoire décrété par le gouvernement», nous a affirmé Jonathan Côté, porte-parole d’Hydro-Québec dédié au dossier survolté du minage de cryptomonnaies.

Les joueurs existants de cette industrie au Québec qui représentent actuellement environ 120 MW au total peuvent poursuivre leurs opérations aux tarifs existants pendant le processus à la Régie qui permettra d’obtenir les encadrements finaux.

«Nous ne pouvons pas dévoiler de détails sur chaque proposition car les informations relatives aux demandes de chaque individu ou entreprise sont confidentielles. Nous ne pouvons pas donner d’information sur un client ou client potentiel, pas plus que nous ne pouvons divulguer d’informations à propos de votre compte d’électricité personnel», précise à ce titre le conseiller stratégique d’Hydro-Québec.

Le processus de sélection introduit par le producteur d’électricité vise à demander à toutes les parties intéressées de déposer des soumissions afin que celles-ci soient évaluées de manière objective.

«En vertu de ce que nous proposons, aucune entreprise ne pourrait se soustraire au processus et devrait soumettre sa proposition en tenant compte des critères souhaités, peu importe les propositions qu’elles auraient pu faire par le passé. Il n’est aucunement question de réserver un bloc à qui que ce soit à l’extérieur du processus de sélection», ponctue Jonathan Côté.

Comme l’a exprimé de façon particulièrement imagée le gestionnaire de communautés d’Hydro-Québec, l’énergéticien veut savoir combien les groupes de mining étrangers sont prêts à payer pour sa «limonade. Le prix ne sera très élevé que si les voisins font des offres très élevées.»

Rien que pour les clients canadiens de Bitmain?

À l’heure d’écrire ces lignes, il se fait que –par un énième hasard– la Régie de l’énergie a publié une version caviardée de la ventilation des projets crypto pris en compte par Hydro-Québec.

Sur les 311 demandes reçues et qui totalisent sur papier plus de 18 000 MW, certains particulièrement imposants, de 100 à 300 MW, font déjà l’objet d’un traitement d’alimentation.

Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est qu’Hydro-Québec a enregistré plusieurs projets pharaoniques, dont un nécessitant 2000 MW!

Cela représenterait la moitié de la consommation mondiale actuelle du réseau Bitcoin, selon les récents estimés du fondateur de l’entreprise québécoise D-Central Technologies.

Ces projets de gigafermes à cryptos présentés à Hydro-Québec bénéficiaient d’un plan financier particulièrement détaillé dans les intentions des clients, avec structure de financement, montée en charge, site ciblé, disponibilité des équipements. Le tout permettant vraisemblablement de juger du sérieux de la proposition.

Difficile de voir derrière ces énormes chantiers d’autres joueurs que Bitmain et consorts.

Du côté du géant chinois du mining, on tempère néanmoins tout ce climat spéculatif.

«La nouvelle entreprise enregistrée au Québec est en fait un bureau de ventes. Il ne sera utilisé que pour offrir de meilleurs services aux clients de Bitmain au Canada», nous a expliqué Nishant Sharma, responsable international des relations publiques du fabricant.

«Cela n’a rien avoir avec les projets de mining de Bitmain», a-t-il senti bon de préciser.

Avouons que, dans cette histoire, les coïncidences s’enfilent comme des perles sur un collier. Mais en tirer de précieux enseignements reste encore hasardeux, non?

 

À propos de ce blogue

Une nouvelle ruée vers l’or, numérique cette fois? Une arnaque, un piège sans fonds? Le débat s'est intensifié fin 2017 alors que la valeur des «monnaies virtuelles» a rapidement passé le cap des 200 milliards de dollars. De la blockchain aux kitties, en passant par le bitcoin, qui ne voudrait pas exploiter ces filons technologiques? Mine de rien est un blogue qui cherche les pépites de l’info dans le monde de la crypto.

François Remy