Valeant: cadeau de Papa au Québec, d'autres seraient nécessaires

Publié le 13/06/2016 à 21:00

Valeant: cadeau de Papa au Québec, d'autres seraient nécessaires

Publié le 13/06/2016 à 21:00

De la grande visite, lundi, à Montréal, alors que Joseph Papa, le nouveau patron de Valeant, venait annoncer que l'entreprise allait investir 10 M$ dans ses installations dermatologiques de Laval. Bonne nouvelle, mais il faudra plus pour obtenir le soutien dont elle a besoin.

L'investissement servira à moderniser l'usine lavalloise pour s'assurer qu'elle atteint les normes de sécurité exigées par certains pays, dont les États-Unis. Il permettra de consolider 200 emplois manufacturiers (375 au Québec en incluant les emplois administratifs et des représentants).

L'annonce survient quelques semaines après celle d'un autre investissement de 2,5 M$ pour la production de l'antibiotique Arestin. Il fait aussi suite au rapatriement du Japon de la production d'un troisième produit, Jublia, plus tôt cette année.

Le Québec est important pour l'entreprise, est notamment venu dire Joseph Papa, en soulignant que depuis 2012, elle a transféré 67 nouveaux produits à l'usine de Laval. Il s'y trouve aussi un centre de recherches en dermatologie.

Bonne nouvelle donc.

Il faudra cependant plus que cela pour que Valeant puisse espérer obtenir un réel soutien de la population et des gouvernements d'ici dans le difficile combat qu'elle mène actuellement.

Officiellement, son siège social est au Québec.

Ce n'est malheureusement qu'une façade, qui n'a pour but que de diminuer l'impôt à payer.

Les brevets des produits de Valeant sont dans les îles et les revenus qu'elle en tire sont imposés au taux des îles, c'est-à-dire près de zéro. Elle peut rapatrier ici les capitaux des paradis sans que nos gouvernements ne se servent sur les revenus. Signées il y a quelques années, ces ententes avec plusieurs paradis fiscaux avaient pour but de lutter contre le blanchiment d'argent et de faire en sorte qu'au moins l'argent revienne au pays. C'est uniquement pour pouvoir profiter de la situation que l'ancien président de Valeant, Michael Pearson, a amené le siège social au Québec.

Le véritable siège social est à Bridgewater, au New Jersey.

Illustration de l'attachement de monsieur Pearson au Québec: il y a deux ans, on lui avait fait remarquer que Valeant était la seule société de la province à ne pas avoir une version française pour ses communications financières (communiqués de presse, résultats trimestriels, rapports annuels, présentations, etc.). Il avait répondu qu'il examinerait la question, mais n'avait pas voulu s'engager en indiquant qu'il y avait un coût à cela. Rien ne s'est fait.

Pourquoi Valeant devrait faire plus

Joseph Papa hérite aujourd'hui d'une société en grande difficulté, qui est à la limite de ses conventions de crédit.

Elle est au banc des accusés avec peu d'appuis pour la défendre. L'OCDE planche apparemment sur de nouvelles règles qui pourraient venir torpiller sa stratégie fiscale. Les démarches de l'organisation risquent de prendre du temps, mais, si les choses devaient aller vite, c'est tout un risque auquel est exposée Valeant. Un taux d'imposition en hausse significative d'ici deux ans et le danger serait grand que les banques tirent la plogue.

Si on était dans ses souliers, on commencerait à songer que, peut-être, il serait plus sage d'avoir la sympathie des gouvernements canadien et québécois. De manière à minimiser l'impact d'une éventuelle nouvelle politique de l'OCDE.

On a demandé lundi à monsieur Papa s'il était envisageable que son siège social devienne un jour vraiment québécois. Il a laissé entendre que non. Le marché de Valeant est international, et des bureaux sont ouverts à différents endroits. Lui et la haute-direction s'y promènent, a-t-il fait valoir.

On lui a aussi demandé s'il était envisageable que les communications financières soient un jour en français. "C'est une bonne question. Laissez-moi y penser, je peux potentiellement peut-être aider sur celle-là".

Un peu mieux que Mike Pearson, mais le signal reste faible.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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