Twitter : ce que dit le périscope


Édition du 16 Janvier 2016

Twitter : ce que dit le périscope


Édition du 16 Janvier 2016

Ouf, c'est vraiment révolutionnaire ! Il faudra orienter le périscope sur Twitter au retour des vacances pour voir si le titre n'est pas à un niveau d'évaluation attrayant.

Où a-t-on défoncé l'année le 31 décembre ?

Sur Periscope, justement. La plus ou moins nouvelle application de Twitter (Nasdaq, TWTR) qui permet aux utilisateurs de filmer en temps réel ou de visionner ce que d'autres utilisateurs sont en train de filmer.

Premier contact avec l'application, dans l'après-midi du 31, alors qu'une déflagration met le feu à une importante tour hôtelière de Dubaï. Les chaînes de télévision traditionnelles ont de la difficulté à rendre compte de la situation et à obtenir des images. Dans une chambre d'hôtel située tout près, un usager de Periscope, qui prévoyait passer une soirée tranquille entre amis, se transforme tout à coup en journaliste. Il a les meilleures images qu'on puisse trouver, rappelle régulièrement qu'il n'est pas journaliste, mais a visiblement le talent des meilleurs. Ses amis l'alimentent en informations. Les grandes chaînes tentent de le joindre. Pendant 30 minutes, jusqu'à ce que la communication s'interrompe, on restera collé (on soupçonne que l'hôtel a peut-être trouvé qu'il se consommait beaucoup de bande passante).

Plus tard, à l'heure du souper, c'est en Irlande que ça se passe. Une sélection de diffusion au hasard, à partir de la mappemonde de l'application, nous amène dans un pub d'une petite ville. Il y a de l'ambiance, la musique est entraînante, ça swingue. Côté spectacle festif, le meilleur show qu'on ait vu depuis longtemps.

C'est plus calme au spectacle en plein air de Saratoga Spring, dans l'État de New York, constate-t-on quelques heures plus tard. Mais c'est fascinant de défoncer l'année à Time Square !

Au moment d'éteindre la lumière, le sentiment est celui-ci : personne ne pourra battre cette application. Elle est vouée à un grand avenir !

Réveil brutal le lendemain, cependant. Il ne se passe pas grand-chose, si ce n'est le nombre élevé d'invitations de curieux personnages à venir discuter (on peut écrire des messages aux gens qui se filment et ces messages apparaissent à l'écran). La transmission la plus intéressante est celle de cet individu qui, muni d'un système à ondes courtes, se promène dans un cimetière de Pennsylvanie et capte sporadiquement des paroles d'outre-tombe apparemment prononcées par les résidents de l'endroit...

Quel est le potentiel de Periscope ?

Difficile de mettre des chiffres sur l'application pour l'instant. Elle est toujours à un stade embryonnaire en termes de contenus et de nombre d'utilisateurs.

Le potentiel n'est sûrement pas aussi explosif que ce qu'on croyait le 31 décembre en soirée. Mais la plateforme est appelée à grandir. D'ailleurs, elle gagne en popularité. En août, elle comptait deux millions d'utilisateurs quotidiens. On en dénombrerait maintenant quatre millions.

L'industrie du spectacle ne sera pas nécessairement un important catalyseur, en raison de la question des droits de diffusion (Periscope bloque les comptes des délinquants). Il ne serait toutefois pas étonnant de voir le secteur de l'information amener de plus en plus d'usagers. Nombre de conférences de presse risquent bientôt d'être retransmises en direct. Même chose pour plusieurs événements amateurs.

À terme, lorsque les habitudes de fréquentation auront été établies, il est probable que la monétisation de l'application puisse se faire grâce à la publicité et au référencement préférentiel.

Mais il y a un hic. Facebook teste actuellement un service du genre. L'application Facebook Live n'est pas encore accessible au grand public, si bien qu'on en connaît peu. Mais Facebook compte 1,5 milliard d'usagers mensuels actifs auprès desquels elle pourra en faire la promotion, alors que Twitter en a 320 millions. Cinq fois moins d'usagers ne veut pas dire aucun marché, mais signifie probablement un plus petit marché.

Qu'est-ce à dire pour l'action de Twitter ?

Il s'agit ici de juger de la valeur du titre par rapport au potentiel de l'ensemble de ses activités. Depuis le printemps, l'action de Twitter a perdu 60 % de sa valeur. La croissance du nombre d'usagers mensuels pose problème. Elle plafonne aux États-Unis et est peu significative à l'international. Pendant ce temps, la croissance des revenus publicitaires s'essouffle.

En incluant l'encaisse dans la valeur de la société, le titre se négocie actuellement à 26 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 2015 et 16 fois celui prévu en 2016. C'est cher si la croissance de Twitter s'estompe en 2016. À titre de repère, on a vu des sociétés médias changer de main à 12 fois le BAIIA dans le passé, mais rarement à plus.

C'est moins cher cependant si la croissance se poursuit au-delà de 2016.

Le chiffrier de Cantor Fitzgerald voit par exemple le bénéfice de 2015 plus que tripler sur l'horizon 2018 et être pratiquement multiplié par huit en 2020. Cela placerait la valeur actuelle du titre à 7 fois le BAIIA de 2018 et à 3,5 fois celui de 2020.

À un multiple de 12 fois le BAIIA, l'action de Twitter pourrait tripler sur cinq ans.

Temps de jouer le titre ?

Il n'y a pas de doute que la croissance va se poursuivre. Periscope devrait à un moment prendre de l'élan, et la décision de permettre des tweets de plus de 140 caractères devrait aussi amener une utilisation plus répandue et plus fréquente de la plateforme.

Les hypothèses de Cantor semblent cependant trop optimistes dans un contexte où le nombre d'usagers fait pratiquement du surplace. Passer son tour peut faire rater une occasion de rendements moindres, mais tout de même intéressants. C'est néanmoins ce que suggère la prudence.

Sur le radar

Twitter (Nasdaq, TWTR, 20,26 $ US)

Le titre sur un an

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Twitter

2 Sous-performance

9 Acheter

24 Conserver

7 Surperformance

1 Vendre

Cours cible : 33,20 $ US

Sources : Bloomberg

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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