Surplus budgétaires à Québec: le dangereux mirage

Publié le 23/10/2016 à 19:51

Surplus budgétaires à Québec: le dangereux mirage

Publié le 23/10/2016 à 19:51

Importants réinvestissements, baisses d'impôts? L'humeur est bonne dans les différents partis à la veille de la mise à jour économique alors que des surplus budgétaires laissent entrevoir un peu plus d'espace pour prendre des engagements. Voilà un important danger.

Québec devrait dévoiler mardi qu'un surplus de près de 2 G$ a été réalisé au 31 mars 2016 (après le versement de 1,5 G$ au Fonds des générations).

«Des milliards de surplus: un mirage?» s'interroge cependant l'Institut du Québec dans une note à paraître ce lundi.

La directrice de l'organisme, Mia Homsy, fait le point sur la cause de ces surplus inattendus (on devait initialement être à zéro, après le versement au fonds des générations). Elle explique qu'une bonne partie de ceux-ci s'explique par un contrôle serré des dépenses (avec des niveaux d'investissement vraisemblablement insoutenables en santé), mais aussi par une hausse plus importante de l'impôt sur le revenu des particuliers, de même que par une performance exceptionnelle de l'impôt des sociétés.

Elle ne le dit pas, mais en coulisses, on raconte que les hauts fonctionnaires ont de la difficulté à expliquer pourquoi les revenus de l'impôt des particuliers et des sociétés ont augmenté au-delà des attentes dans un contexte où le PIB a été revu à la baisse.

L'on proposait il y a quelque temps la création d'une réserve de stabilisation. Il s'agissait en fait de créer une tirelire où seraient remisés les surplus de la dernière année, de même que les futurs surplus (après versement au Fonds des générations). La tirelire aurait éventuellement eu pour fonction de permettre l'effacement d'éventuels déficits lors d'une prochaine récession, et la prévention de coupes à l'aveuglette dans les services de la santé et de l'éducation.

Cette réserve de stabilisation existe déjà, explique madame Homsy. Elle dépassait même les 2G$, en 2007-2008. Mais elle a été complètement vidée dans les années de déficits.

Dans le contexte actuel, l'auteur suggère elle aussi de la renflouer.

De combien?

Elle estime que les derniers surplus devraient aller dans cette réserve, mais laisse au débat public le soin de déterminer la hauteur à atteindre dans l'avenir.

Il ressort néanmoins de l'étude que la somme des déficits du budget du Québec a totalisé 13G$ entre 2008-2009 et 2013-14.

Déjà que l'on est en retard sur l'objectif de dette

À ce jour, le doute nous visitait parfois: serait-ce faire preuve d'une excessive prudence de demander une réserve d'une dizaine de milliards? C'est plusieurs années de budgets sans trop d'engagements supplémentaires…

L'étude vient nous conforter dans notre chiffre. Car il n'y a pas que l'éventuel équilibrage budgétaire futur qu'il importe de préparer. Il semble aussi y avoir des problèmes avec l'objectif de dette.

La note permet en effet de constater que le risque devient élevé que l'objectif dette/PIB du gouvernement ne soit pas atteint en 2025-26.

Depuis 2012, à chaque année, le PIB nominal s'est avéré plus faible que la prévision budgétaire d'au moins 1 point de pourcentage. Ce qui fait que le PIB nominal actuel est de 25G$ en-dessous de la projection du budget 2010-11. Dit autrement, on est en retard de 14G$ sur la cible intérimaire de dette initialement prévue.

Cela signifie que seulement pour rattraper le retard sur l'échéancier prévu, il nous faudrait ajouter 1,3G$ par année dans les 10 prochaines années au Fonds des générations.

D'accord, peut-être le gouvernement s'était-il gardé une petite marge de sécurité sur les dernières années. Mais imaginons qu'une récession se présente dans les 10 prochaines années (ce qui est hautement probable). Il est difficile de voir comment cette cible pourra vraiment être atteinte.

L'institut du Québec juge que des réinvestissements en santé pourraient être augmentés et la croissance actuelle des dépenses en santé passer de 2,5% à 4,2% par année. Il soutient en outre qu'une croissance à 2,5% en santé n'est pas soutenable en raison du vieillissement de la population et que le 4,2% est le taux raisonnable, même avec un solide contrôle. Il est difficile de voir comment ces réinvestissements pourront être atteints si on colle aux objectifs actuels de dette.

Conclusion?

On peut peut-être augmenter un peu la croissance de certaines dépenses pour réparer ce qui fuit le plus. Mais mieux vaudrait en mettre beaucoup de côté pour un avenir où se présentera une récession et où le système sera sollicité comme jamais auparavant en raison de la pyramide d'âge.

Le Québec se sent soudainement riche, c'est un mirage.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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