SNC-Lavalin: cette fois nos nuits seraient plus troublées

Publié le 02/10/2012 à 09:00, mis à jour le 02/10/2012 à 09:08

SNC-Lavalin: cette fois nos nuits seraient plus troublées

Publié le 02/10/2012 à 09:00, mis à jour le 02/10/2012 à 09:08

BLOGUE. Il y a des jours comme ça où rien ne va comme on l’aurait souhaité. Parlez-en à SNC-Lavalin, qui présentait lundi matin son nouveau patron à la communauté financière.

Appel pour se joindre à la conférence téléphonique : le préposé répond en anglais et ne traite la demande qu’en anglais. Mauvais départ pour une société qui marche déjà sur des œufs parce que son nouveau chef de direction n’est pas bilingue (Robert Card dit cependant s’y mettre).

Période de questions des journalistes : l’appel se termine après trois ou quatre interventions seulement, sans que l’on ait personnellement pu poser nos questions. Pas de mauvaise volonté, la faute de la technologie, explique-t-on, le système indiquait qu’il n’y avait pas d’autres questions…

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L’imprévu le plus embarrassant cependant, ce titre de La Presse : SNC-Lavalin et CUSM, 22 M$ pour obtenir le chantier.

Le quotidien soutient que la Sûreté du Québec enquête et croit que l’un des fameux paiements toujours inexpliqués de SNC, que l’on pensait avoir abouti en Afrique, pourrait plutôt avoir servi à obtenir la construction du Centre universitaire de santé McGill.

Lors de la conférence téléphonique, l’entreprise n’a pas voulu commenter.

Que le pot-de-vin ait été versé outre-mer était condamnable, et donnait bien des casse-tête aux dirigeants. Ils pouvaient cependant entrevoir que le carnet de commandes ne serait pas trop affecté. Le secteur de l’ingénierie dans son ensemble a la réputation de faire quelques entorses à l’éthique lorsqu’il faut gagner des contrats dans des juridictions émergentes où les règles de droit sont floues. Comme beaucoup, SNC avait triché, mais dans l’esprit de bien des clients, elle n’était pas pire que les autres.

Que de la corruption ait été effectuée ici, dans la cour même de l’entreprise, est cependant plus dangereux. Si on était administrateur chez SNC-Lavalin, cette fois nos nuits seraient plus troublées.

La loi québécoise prévoit qu’en cas de condamnation pour corruption, une licence peut être suspendue ou révoquée. Dans le cas de son maintien, une entreprise ne pourra néanmoins plus soumissionner pendant cinq ans sur des contrats publics.

On voit tout de suite le changement de registre. Si SNC a triché avec le CUSM, il ne s’agit plus maintenant de pouvoir continuer à convaincre des clients de faire affaires avec elle, il s’agit désormais de l’État qui peut potentiellement lui interdire de faire des affaires avec des clients.

Bah, le Québec est une goutte d’eau dans le carnet de commandes, dîtes-vous.

Peut-être. SNC ne donne pas le poids de la province dans son carnet. Mais si le Québec est une goutte d’eau, c’est parfois une grosse goutte. À eux seuls, les contrats du CUSUM et de l’hôpital Sainte-Justine sont réputés encore représenter pour autour de 1 G$ de valeur sur un carnet de commandes total de 9,3 G$.

Là ne s’arrête d’ailleurs pas le problème. La Commission Charbonneau a permis de constater la semaine dernière que la mafia est bien active en Ontario. Que feront les autres provinces lorsque le rapport arrivera au gouvernement du Québec et se traduira par une série de nouvelles mesures? Il y a risque que ce qui a commencé comme une lutte provinciale ne devienne une lutte nationale et que d’éventuelles condamnations n’entraînent les mêmes sanctions. Or, les analystes évaluent que le Canada pèse pour entre 50 et 75% du carnet de commandes de SNC.

 Assurément dangereux pour SNC?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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