Rapport du vérificateur: le nono et le cachottier

Publié le 03/06/2014 à 16:16

Rapport du vérificateur: le nono et le cachottier

Publié le 03/06/2014 à 16:16

C'est un rapport qui fait mal paraître l'ancien gouvernement au plan de la transparence que vient de déposer le Vérificateur général du Québec.

Un rapport qui nous a rappelé une petite anecdote, survenue lors du dernier budget, au mois de février.

Après quelques heures passées à lire les documents budgétaires dans un sens et dans l'autre, à la recherche de l'effort de compression nécessaire pour atteindre la cible budgétaire 2014-15 (-1,75 G$), on avait finalement déposé les armes. Et, par dépit, porté notre attention sur le vieux Point de l'automne 2013.

Le Point était en fait le document contenant la mise à jour économique, déposée quatre mois plus tôt. Il était dans notre serviette pour la forme. Heureusement. Au moment de déposer les armes, le souvenir nous était revenu que Le Point avait à l'époque une ligne intitulée "Mesures pour retourner à l'équilibre budgétaire – contrôle des dépenses: 1,055 G$".

Eurêka! Partons de ce chiffre et adaptons avec les grandes mesures de compression énoncées dans le budget. Ca permettra à tout le moins de voir ce qui restera à couper dans chacun des ministères, à leur discrétion, s'était-on dit.

C'est donc avec ce vieux document que l'on était parti à la rencontre des haut-fonctionnaires. Un exercice surréaliste. Où l'on utilisait à la fois du vieux et du nouveau matériel, et où à chaque question naissait un nouveau brouillard.

Confession, on était ressorti du budget assez déprimé, en se disant que la journée avait été mal choisie pour être plus nono qu'à l'ordinaire.

Le rapport du Vérificateur général fait aujourd'hui mieux paraître le nono, et nettement moins le gouvernement. Lors du budget, Québec connaissait précisément l'ampleur de l'effort à fournir. Il était de 3,4 G$. Il a simplement choisi de ne pas le divulguer.

Qui plus est, il le connaissait dès l'automne (alors qu'il se situait à 3,66 G$), mais il n'a à ce moment choisi d'en divulguer qu'une partie (le fameux 1,055 G$).

Pourquoi en a-t-il été ainsi?

Le rapport du Vérificateur est muet sur le pourquoi. Et, assez curieusement, dans leur réplique au rapport, le ministère des finances et le Conseil du trésor n'abordent pas la question.

L'effort à fournir (le chiffre que l'on recherchait) est en fait la différence entre le coût de reconduction des programmes de l'année précédente (indexés) et la cible budgétaire qu'il faut cette année atteindre. C'est l'effort de compression nécessaire.

À la décharge du gouvernement péquiste, le Vérificateur précise, qu'à sa connaissance, ces coûts n'ont jamais été communiqués formellement par quelque gouvernement que ce soit au Québec. Si les autres ne l'ont jamais fait, et se sont contentés de livrer un chiffrier reflétant la situation après les compressions, pourquoi laverions-nous plus blanc?, s'est-on probablement dit.

Mauvais réflexe. Deux éléments sont plus incriminants pour l'ancien gouvernement que pour ceux qui l'ont précédé.

1-L'écart entre ce qui avait été communiqué comme information à l'automne de 2013 (un effort à fournir de 1,055 G$) et ce qui était réellement (un effort de 3,4 G$) est fort considérable. Des explications seront nécessaires. Il serait audacieux d'avancer que le gouvernement ait pu mentir à la population, et il y a sans doute ici un enjeu d'interprétation, mais, pour l'instant, la lecture du rapport amène l'interrogation à l'esprit.

2-Pour son opinion sur la mise à jour économique, livrée à la veille du budget, le Vérificateur avait demandé à avoir accès aux coûts de reconduction des programmes. Il voulait donner au public le chiffre de l'effort à fournir. On lui a refusé cet accès.

Le deuxième élément (le refus d'accès) est particulièrement indicateur que le gouvernement a joué au cachottier.

Souhaitons qu'il n'en soit plus ainsi dans l'avenir.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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