Québecor: ce que veut dire la vente des Sun

Publié le 06/10/2014 à 17:53

Québecor: ce que veut dire la vente des Sun

Publié le 06/10/2014 à 17:53

Postmedia achète les journaux Sun et les propriétés numériques de Québecor au Canada anglais. Un souhait et une question. Le souhait: bonne chance Postmedia! La question: que fera Québecor avec l'argent?

C'est avec une assez grande surprise que l'on a appris la nouvelle.

On n'aurait pas pensé que Postmedia, notamment société mère du National Post et de The Gazette, avait la capacité d'acheter quoi que ce soit. Ses ratios de dette sont à un niveau élevé pour une entreprise dont les revenus sont en perte de vitesse (3,8 fois le bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement).

Voilà cependant qu'elle semble avoir réussi à convaincre les milieux financiers qu'avec cette transaction, elle peut repartir en affaires. En amenant Golden Tree Asset (21 G$ d'actifs) à se commettre pour une importantes émission de droits, elle réussit même à se recapitaliser et à réduire son endettement (à 2,9 fois le BAIIA).

Qu'est-ce qui peut bien être si attrayant chez les journaux Sun pour ces investisseurs, alors que Québecor croit préférable de s'en délester?

Une couple de choses.

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Ça ne sera pas claironné sur la place publique, mais il y a probablement d'importants espoirs de redressement des tarifs publicitaires dans l'imprimé. Pour la plupart des marchés quotidiens au pays, c'est un coupeur de prix de moins avec qui composer. Le Globe and Mail reste un journal national qui concurrencera Postmedia-Sun un peu partout, mais il est peu accessible à l'annonceur local. À Toronto, il restera aussi le Star comme compétiteur. Mais dans les marchés d'Ottawa, d'Edmonton, de Calgary et de Vancouver, à part les quotidiens Metro, il n'y aura plus tellement de concurrence. Il sera intéressant de voir ce que pensera le Bureau de la concurrence dans ces marchés. Avec l'explosion des options publicitaires à laquelle on assiste, il semble cependant y avoir une bonne probabilité qu'il ne dise rien.

Autre avantage de la transaction, aux yeux de la direction, elle permettra d'augmenter la portée numérique de Postmedia et de diversifier les auditoires. En d'autres mots, l'entreprise pourra offrir plus d'options aux annonceurs.

Vraiment une bonne idée?

Ce n'est pas une mauvaise stratégie, mais, encore faut-il pouvoir gérer tout cela. Il n'est pas clair que la nouvelle entité réussira à augmenter pour autant les ventes. On a quelques fois observé dans diverses organisations qu'une multiplication des plateformes entraînait autant d'effets négatifs que bénéfiques. Il est difficile d'organiser ses équipes de ventes sur du multiplateforme.

En fait, si, à court terme, la transaction laisse effectivement présager une amélioration des bénéfices grâce à la baisse de la concurrence sur les marchés de l'imprimé, à moyen et long terme il est difficile de voir les résultats ne pas poursuivre leur descente.

C'est que même les virages numériques ne fonctionnent plus devant la multiplication des offres publicitaires sur les médias sociaux et ailleurs. Les nouveaux venus dans la publicité Internet coupent les prix, si bien que, les revenus numériques, qui, dans les entreprises de presse, faisaient contrechoc à l'imprimé, ne sont plus capables de remplir leurs fonctions. À ses deux derniers trimestres, Postmedia a par exemple vu ses revenus numériques reculer de 5,1 et 4,3% par rapport à l'exercice précédent. Quand ce qui doit être votre planche de salut recule, les choses vont vraiment mal.

Ces reculs devraient en outre se poursuivre au fur et à mesure que les Google, Facebook et Twitter de ce monde augmenteront l'efficacité de leurs outils publicitaires en termes de coût/bénéfices, de même que leur présence.

Même si elle n'obtient pas un prix extraordinaire pour ses journaux (3,5 fois le BAIIA alors que Postmedia se négocie à plus de 4 fois), Québecor fait une bonne affaire en vendant. Elle obtient la possibilité de créer du rendement sur le 350 M$ qu'elle reçoit, alors qu'elle ne pouvait rien espérer avec le statu quo.

Que fera Québecor?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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