BLOGUE. La scène se passe il y a plusieurs années, alors que, jeune journaliste, on assiste clandestinement à une assemblée de cuisine pour en apprendre davantage sur ce produit révolutionnaire qui commence à faire parler.
Une présentatrice s'avance avec en main le cenicero. «Le cendrier est vendu 10 $, mais en réalité, il ne vaut pas 0,50 $. Ce sont les unités que vous récolterez qui vous donneront du rendement», explique-t-elle à l'assemblée.
Le système est confus. Pour chaque cendrier qu'ils vendent, les adhérents au programme reçoivent une unité numérique. Chaque fois qu'un nouvel adhérent entre, il pousse ceux qui sont en avant de lui vers le haut. À un certain moment (non précisé), le participant a droit à 30 $ plus 10 nouvelles unités en bas de la pyramide.
«Le système est en pyramide et s'élargit sans cesse vers le bas. Comme le cendrier n'a aucune valeur et que l'espèce humaine est un ensemble fini, il viendra forcément un jour où il ne se trouvera plus personne pour mettre de l'argent, et tout s'effondrera», dit-on à la présentatrice. «Vous dites cela parce qu'il vous manque votre cours de leader», rétorque la dame. Quelque temps après, plus personne ne parlait du cenicero.
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L'anecdote nous est revenue à la lecture d'un article sur le bras de fer que se livrent actuellement les investisseurs activistes Bill Ackman et Carl Icahn autour d'Herbalife. Pour M. Ackman, la société de suppléments alimentaires n'est rien d'autre qu'une entreprise pyramidale vouée à s'effondrer. Il parie 20 millions d'actions à découvert sur le titre et promet de donner tous les profits à sa fondation. M. Icahn, en complet désaccord, a récemment pris une position équivalente à 13 % du capital et obtenu deux sièges au conseil.
Ça ressemble à une pyramide...
L'exposé de M. Ackman est intéressant. Il débute par la curieuse mission d'Herbalife, qui va ainsi : «Notre mission est de changer la vie des gens en leur procurant la meilleure occasion d'affaires, la meilleure nutrition et les meilleurs produits de gestion de poids du monde.»
Puis, il s'emploie à démontrer que les prix des produits sont artificiellement gonflés et que ceux qui font affaire avec Herbalife obtiennent leurs bénéfices monétaires non pas de la vente du produit, mais de la formule de recrutement. C'est en effet ainsi qu'est légalement définie la vente pyramidale.
Il note que l'entreprise vend sa poudre nutritionnelle (27 % du chiffre d'affaires) deux fois le prix de la concurrence et ses multivitamines, trois fois le prix.
Or, ces produits n'ont aucun avantage concurrentiel, puisque la société dit elle-même que ses investissements en R-D sont peu significatifs.
En parallèle, il précise que le consommateur est obligé d'acheter de 55 $ à 91 $ de produits, l'International Business Pack, pour faire affaire avec Herbalife.
Ces facteurs montrent clairement, à ses yeux, que les bénéfices retirés par les participants sont redevables au système de recrutement. Comment en effet expliquer que ceux-ci paient un droit d'entrée (55 $ à 91 $) et achètent ultimement encore plus de produits alors qu'ils peuvent obtenir la même chose à la moitié du prix chez la concurrence, s'interroge-t-il.
... mais est-ce le cas ?