Pétrole d'Anticosti: l'incompréhensible position du gouvernement

Publié le 09/02/2016 à 18:42

Pétrole d'Anticosti: l'incompréhensible position du gouvernement

Publié le 09/02/2016 à 18:42

Le premier ministre Philippe Couillard en rajoute dans le dossier du pétrole de l'Ile d'Anticosti. "Les fonctionnaires devront tenir compte de ce qu'on leur dira", a répété mardi monsieur Couillard en se montrant une nouvelle fois opposé à des opérations de fracturation. La démarche est incompréhensible.

S'il avait voulu compliquer le plus possible une rupture d'engagement avec la société Pétrolia, le gouvernement ne s'y serait pas pris autrement.

Les engagements d'injections du gouvernement dans son projet s'élèvent apparemment autour de 55 M$.

Une étude hydrogéologique doit prochainement être dévoilée et c'est sur celle-ci, indiquait mardi le ministre Pierre Arcand, que les fonctionnaires du gouvernement devront décider s'ils émettent ou non un certificat d'autorisation de forages de fracturation sur l'île.

Quelle était l'urgence pour le gouvernement de prendre une position anti-exploitation?

Supposons que les résultats de l'étude arrivent en zone grise et soutiennent que la fracturation peut être accomplie, mais qu'un risque environnemental d'un certain ordre subsiste.

Dans un contexte sans déclaration du premier ministre, le ministre de l'Environnement (David Heurtel) et ses fonctionnaires auraient pu échanger sur l'à-propos d'émettre un certificat d'autorisation. Au yeux du droit, cette décision aurait laissé une certaine marge d'appréciation discrétionnaire au gouvernement.

Le fait de déclarer qu'on ne veut pas d'exploitation pétrolière sur l'île d'Anticosti avant même que l'étude ait été déposée vient cependant nettement compliquer l'affaire.

Il y a dès lors présomption de mauvaise foi. Et le gouvernement ne manquera pas d'être attaqué en justice sur la base d'un excès de juridiction. L'excès de juridiction survient quand un ministre fait une erreur d'appréciation et tranche pour des motifs qui ne sont pas prévus à la loi ou au cadre décisionnel auquel il doit se référer.

S'il eut simplement affirmé que la décision serait prise en fonction du contenu de l'étude et de l'impact sur l'environnement, il y a fort à parier que les cours de justice auraient eu beaucoup plus de réticence à intervenir et à éventuellement réformer la décision. La possibilité d'une contamination de l'objectivité du processus décisionnel aurait été beaucoup moins apparente.

Le ministre Arcand tente de réparer les pots en disant que la décision sera administrative, mais il est trop tard. La crédibilité de l'appareil est entachée.

En agissant de façon précipitée, le gouvernement vient d'exposer le trésor public à des risques de décaissements financiers encore plus significatifs. On ne sait déjà trop ce qui arrivera avec les 55 M$ d'engagements envers le projet de Pétrolia. Voilà que s'ajoutent des risques de dommages-intérêts.

Disons-le puisqu'il s'agit de la marque de commerce d'Anticosti: une approche avec moins de panache aurait augmenté la probabilité de se retirer du projet à moindre coût.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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