Ottawa: si on ne hausse pas la TPS, d'où viendra l'argent?

Publié le 15/12/2015 à 18:52

Ottawa: si on ne hausse pas la TPS, d'où viendra l'argent?

Publié le 15/12/2015 à 18:52

Photo: Shutterstock

Tiens, tiens, le chat sort du sac! C'est un peu la réaction à laquelle on a assisté pendant quelques minutes, mardi, alors que tombaient sur les fils de presse des manchettes à l'effet que le ministre des finances du Canada, Bill Morneau, ne fermait pas la porte à une hausse de la TPS.

Le ministre a cependant rapidement corrigé la discussion. "Contrairement aux manchettes, nous ne contemplons pas de changement à la TPS. Nous sommes axés sur la croissance et la classe moyenne", a-t-il lancé sur Twitter.

À la défense de monsieur Morneau, et après lecture de la transcription, on aurait personnellement hésité à y aller d'un "lead" du genre. L'un de ses commentaires laissait plutôt croire qu'il n'avait pas l'intention de toucher à la taxe.

Se pose tout de même cette question: si Ottawa ne touche pas à la TPS, où prendra-t-on l'argent pour remplir l'engagement de combler le déficit à l'an 4? (2019-2020).

Ces dernières semaines, les défis se sont accumulés sur le bureau du ministre des finances. Dépenses supplémentaires sur l'opération d'accueil des réfugiés syriens, important engagement supplémentaire à COP21, puis, constat que les réductions d'impôts coûteront plus cher que prévu, et que la hausse d'impôt des 1% les plus riches rapportera moins.

Le plus important problème du gouvernement est cependant dans la croissance économique qui devrait être plus faible que ce qui était initialement prévu pour les quatre prochaines années.

Il n'y a pas encore de chiffres officiels sur ce que sera le déficit en 2019-20 (en tenant compte des nouveaux ajouts), mais des estimations donnent à penser qu'on pourrait ne pas être très loin du 15 G$.

C'est une somme impossible à résorber en un an si on veut parvenir à l'équilibre sans hausser les impôts. Et même en démarrant tout de suite l'opération, ce n'est pas gagné.

À titre d'illustration, entre 2010-11 et 2014-15, le gouvernement Harper a réussi à aller chercher pour 17,7 G$ d'économies par le biais du contrôle des dépenses et l'élimination d'échappatoires fiscales (page 395 du dernier budget).

Ce 17,7 G$ est à mettre en relation avec le manque à gagner approximatif de 15 G$. La difficulté du gouvernement Trudeau est qu'il s'est déjà engagé à ne pas toucher à plusieurs leviers auxquels les Conservateurs avaient eu recours. Il a déjà indiqué en campagne qu'il n'entendait pas affaiblir davantage la fonction publique, qui a effectivement significativement contribué ces dernières années. Quant aux fermetures d'échappatoires fiscales, elles sont aussi déjà à son programme, ce qui restreint les gains supplémentaires réalisables. Il y a des engagements sur le budget de l'armée, et il n'est pas question de diminuer les investissements dans les infrastructures, ni de faire une croix sur les baisses d'impôt à la classe moyenne.

Bref, on ne voit pas très bien où sont les avenues de récupération.

Une hausse d'un point de pourcentage de la TPS rapporterait autour de 7 G$ dans les coffres d'Ottawa.

La situation budgétaire ne serait pas encore réglée, mais un bon bout de chemin serait parcouru. Évidemment, ce serait dévastateur au plan politique.

Un espoir pour monsieur Morneau: une croissance économique plus forte que prévu.

Le dilemme: plus on tardera à implanter des mesures de récupération, plus il faudra augmenter les impôts ou la TPS pour arriver à l'équilibre en 2019-20 si cette croissance supplémentaire ne se présente pas. À moins d'abandonner l'engagement de l'équilibre ou encore de jeter du froid sur la nouvelle harmonie avec les provinces, en diminuant les transferts.

Le suspense se poursuit.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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