Mieux qu'aux USA: la performance du Québec peut-elle continuer?

Publié le 26/05/2016 à 18:19

Mieux qu'aux USA: la performance du Québec peut-elle continuer?

Publié le 26/05/2016 à 18:19

Petite suggestion de lecture pour les fervents de développement économique: Maximiser le potentiel économique du Québec, 13 réflexions.

L'ouvrage vient de paraître sous la direction de Mario Lefebvre, Marcelin Joanis et Luc Godbout, aux éditions Les Presses de l'Université Laval. Il propose 13 réflexions de personnalités du monde économique et financier, dont on a entrepris la lecture de chevet il y a quelques jours.

Dès le premier chapitre, Pierre Fortin place le jeu et lance la discussion avec un constat fort intéressant, qui devrait faire jaser dans les chaumières: depuis 15 ans, le Québec a mieux réussi économiquement que l'Ontario et les États-Unis.

Voyons-y de plus près.

Le critère est celui de la performance offerte par la population en âge de travailler. Cette performance est mesurée en s'attardant au PIB réel par habitant de 15 à 64 ans (population en âge de travailler et qui produit la richesse). Entre 1999 et 2014, ce repère a avancé de 19% au Québec, de 11% en Ontario et de 15% aux États-Unis.

L'avantage du Québec s'est répercuté favorablement sur le revenu disponible des ménages. Par habitant et en pouvoir d'achat, ce revenu disponible a augmenté de 33% au Québec, 21% en Ontario, et de 22% aux États-Unis.

Attention, cela ne veut pas dire que l'on est plus riche que l'Ontario et les États-Unis. Monsieur Fortin estime que les Québécois ont un niveau de vie équivalent à 95% de celui des Ontariens (et égal si on accorde une valeur au temps libre) et que celui des Américains est de 20% supérieur au nôtre.

Cela veut dire que l'écart de richesse a diminué et montre que, malgré tout le bruit politique des dernières années, le Québec économique s'est assez bien tiré d'affaire.

Comment expliquer que le Québec ait fait mieux?

Trois choses influencent la croissance du PIB réel par habitant, explique Pierre Fortin. 1-Le taux d'emploi. S'il augmente, le PIB augmente. 2-Le nombre d'heures annuelles travaillées par personnes employée. Si le nombre d'heures augmente, le PIB augmente.3-Le volume de production de biens ou de services par heure travaillée. Si le volume horaire augmente, le PIB augmente.

Sur le taux d'emploi, on bat tout le monde à plates coutures: +12%, +2% en Ontario et -5% aux États-Unis.

Sur le nombre d'heures travaillées par personne, c'est moins beau: -3% aux États-Unis; -6% en Ontario et -10% au Québec. Lucien Bouchard n'a pas tort lorsqu'il dit que les Québécois travaillent moins que les autres (en Amérique du nord, du moins).

Sur la productivité, le PIB réel par heure travaillée, c'est mitoyen: +16% en Ontario, + 18% au Québec et +25% aux États-Unis.

On le voit, ce qui permet au Québec de se démarquer des autres, c'est la progression de son taux d'emploi. Comment expliquer que l'on ait à ce point fait mieux à ce chapitre? (+12%, +2%, -5%).

Essentiellement pour deux raisons, dit le professeur.

1-La récession 2007-2008 a été moins sévère ici qu'ailleurs.

2-Le bond extraordinaire du taux d'emploi des femmes de 15 à 64 ans, qui est passé de 60% en 1999 à 70% en 2014.

Le rebond du taux d'emploi chez les femmes semble être le résultat direct des politiques familiales du Québec (garderies à faible prix, congés parentaux mieux rémunérés et plus flexibles, etc.).

Peut-on poursuivre sur la lancée?

Voilà pour l'explication de la surperformance québécoise. Peut-on continuer à performer mieux que les autres dans l'avenir?

C'est ici que ça se gâte.

Les gains qui pouvaient être faits par la politique familiale sont déjà dans les chiffres. En fait, dit monsieur Fortin, le taux d'emploi féminin au Québec est même près du sommet mondial.

Il est pendant ce temps peu probable que les Québécois décident soudainement de sacrifier leurs loisirs et de travailler plus d'heures.

Comme en Ontario, la valeur produite par heure travaillée (troisième vecteur) n'avance pas très rapidement.

Enfin, la population vieillit. S'il y a moins de gens au travail pour soutenir financièrement la population croissante des parents vieillissants, le niveau de vie risque de souffrir.

Pierre Fortin a trois recommandations (et il y en a d'autres dans le livre):

-Continuer de promouvoir le taux d'emploi en appuyant sur l'éducation, la formation et l'intégration des immigrants;

-Encourager la productivité, notamment en développant le talent technologique, entrepreneurial et managérial;

-Faire en sorte que les régimes de retraite et l'organisation de la santé et des services sociaux favorisent l'autonomie financière et minimisent la vulnérabilité de la population vieillissante.

Beaucoup de pain sur la planche…

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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