Métaux : où c'est prometteur et où ce l'est moins


Édition du 23 Avril 2016

Métaux : où c'est prometteur et où ce l'est moins


Édition du 23 Avril 2016

[Photo : Bloomberg]

Tiens, tiens, pourrait-il être temps de se positionner dans les titres de producteurs de cuivre ? La question nous est venue, il y a quelques jours, à la lecture d'un entretien du Financial Times avec le président de Rio Tinto, le Français Jean-Sébastien Jacques.

Le nouveau patron voit un énorme manque à gagner en cuivre se dessiner dans un avenir relativement rapproché. Il pourrait bientôt manquer de 6 à 8 millions de tonnes (Mt) de cuivre par année pour que le marché puisse être en équilibre. Le chiffre est à mettre en perspective avec une production mondiale de 19,3 Mt en 2015. C'est un écart de 30 à 40 % qui devrait faire avancer le prix du métal (actuellement autour de 2,15 $ US la livre).

Compte tenu de l'importance de l'écart à combler, ces nouveaux prix devraient en outre tenir pour un long moment. Le président donne l'exemple d'Escondida, un partenariat chilien entre Rio Tinto et BHP, qui produit 1 Mt par année. Il a fallu aux partenaires près de 25 ans pour atteindre ce niveau de production.

Deux choses rendent Jean-Sébastien Jacques optimiste à propos du cuivre.

1. La demande augmentera grandement, croit-il. L'économie mondiale s'oriente de plus en plus vers l'électricité. Or, si l'on met de côté les métaux précieux, le cuivre est le meilleur conducteur d'électricité et de chaleur.

2. L'offre ne sera pas en mesure de suivre. Les gisements de cuivre demandent d'importants investissements en capitaux, et ce, sur une longue période. Le pdg ne croit pas que beaucoup de sociétés aient, dans le contexte actuel, les reins assez solides pour investir suffisamment pour que l'offre équilibre la demande. Pour illustrer, il donne l'exemple de la mine Oyu Tolgoi de Rio, où il a fallu attendre 18 ans les premières livraisons de cuivre.

À ses yeux, les premiers signaux du déséquilibre de l'offre par rapport à la demande devraient se manifester vers 2018.

Temps de se positionner dans des titres comme Freeport-McMoRan (FCX, 10,98 $ US), First Quantum (FM, 7,05 $), Lundin Mining (LUN, 4,32 $) et autres producteurs ?

Ce n'est pas tout à fait l'avis de l'équipe d'analystes de Credit Suisse, qui voit la situation d'un tout autre oeil. La maison ne prévoit pas une augmentation très importante de la demande dans le futur. À son avis, la consommation de cuivre en Chine est sur le point d'atteindre son plafond, à 10 kg par habitant annuellement, légèrement sous les sommets historiques qui ont été enregistrés aux États-Unis et au Japon.

Le grand rattrapage de développement de la société chinoise est terminé, et la croissance ne devrait plus avancer qu'en fonction de l'urbanisation des villes.

Credit Suisse anticipe que le prix du cuivre passera sous les 2 $ US la livre et atteindra un plancher de 1,80 $ US en 2018. Le marché pourrait se retrouver en léger déséquilibre en 2019, mais, à ce moment, les stocks seront fort importants, passant de l'équivalent de 8 jours de consommation à plus de 28 jours.

Des secteurs plus intéressants ?

Existe-t-il des secteurs plus intéressants ?

Sur un horizon de 12 mois, probablement pas du côté du fer (malheureusement pour le Plan Nord). Le prix du minerai a augmenté dernièrement à 58 $ US la tonne, mais Credit Suisse le voit revenir à 35 $ US en deuxième moitié de 2017 en raison d'une augmentation des volumes de production. Des mines devront fermer pour que l'environnement de prix s'améliore significativement de façon durable.

Dans l'aluminium, à la suite d'une année difficile en 2015 en matière de prix, les Chinois ont cessé la production dans des usines qui produisaient pour l'équivalent de 4 Mt par année. Le prix a remonté au premier trimestre à environ 1 450 $ US la tonne. Parce que des redémarrages exigent des investissements significatifs, il est probable que les Chinois attendront plutôt des prix se situant autour de 1 600 à 1 700 $ US la tonne avant d'augmenter leurs capacités de production. Les 12 prochains mois pourraient laisser entrevoir une certaine amélioration. Le signal d'investissement est cependant relativement faible.

Un seul secteur pourrait afficher un potentiel de rebond significatif : celui du nickel.

Il s'agit cependant d'un long shot, qui consiste à parier sur le principe que, lorsque les choses vont tellement mal, il vient forcément un moment où tout éclate et où elles ne peuvent ensuite que sensiblement s'améliorer.

En 2013, les stocks de nickel étaient de 200 000 kilotonnes (kt). Ils sont aujourd'hui à 500 000 kt. Le prix du métal a chuté de moitié et se négocie actuellement à près de 3,90 $ US la livre.

Les grands acteurs du nickel s'observent et semblent chacun faire le pari que l'autre pliera le premier. C'est un jeu qui peut se poursuivre encore un temps, mais Credit Suisse estime qu'au cours actuel, les deux tiers de la production mondiale ne sont pas rentables et qu'il faudra bien que quelqu'un cède à un moment. Elle évalue que le prix du nickel grimpera à 5,90 $ US la livre à la fin de 2016 et atteindra à 6,30 $ US en moyenne en 2017.

La difficulté pour l'investisseur est de se trouver un instrument pour jouer le secteur. Il y a quelques fonds négociés en Bourse, comme iPath Dow Jones-UBS Nickel ETN (JJN, 10,91 $ US). Ces fonds n'achètent malheureusement pas le métal lui-même et utilisent le marché des contrats à terme pour tenter de dupliquer les rendements. Pour l'investisseur dont l'horizon de placement est de quelques mois, ce sont des instruments dangereux. Ils sont excellents pour reproduire le rendement à court terme du nickel, mais nettement moins bons en ce qui concerne le rendement à long terme.

Il est aussi possible d'y aller avec des sociétés comme Norilsk Nickel (NILSY, 13,80 $ US) ou Vale (VALE, 5,69 $ US). Mais, bien qu'elles soient les producteurs numéro un et deux de nickel dans le monde, le poids du métal dans leurs résultats est dilué par la production d'autres métaux.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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