Le titre d'Air Canada peut-il encore doubler?

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Octobre 2017

Le titre d'Air Canada peut-il encore doubler?

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Édition du 14 Octobre 2017

[Photo: 123.rf]

Combien peut bien valoir Air Canada: 7 $, 14 $ ou encore 22 $ ? Il y a un peu plus d'un an et demi (fin janvier 2016), on était venu en chronique avec la question.

Le titre se négociait alors autour de 8 $, et une recension des cibles des analystes nous avait permis de constater combien, selon la perspective adoptée, la valeur d'un actif peut être défendue sur un très large spectre.

Raymond James avait une cible à 7$; la Financière Banque Nationale était à 13,50$, CIBC à 16,50$, et la TD à 22 $. Quelques mois plus tard, l'analyste Tim James, de la TD, est le grand gagnant du concours de pronostics.

Il y avait à l'époque (2016) des craintes quant aux augmentations de capacité que projetait Air Canada : +9%, alors que WestJet devait aussi en ajouter de 8 à 11%.

Les plus pessimistes soutenaient que le marché ne pourrait absorber cette capacité, que les coûts grimperaient et que les prix tomberaient.

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Les plus optimistes soutenaient que la capacité grimperait surtout en raison du remplacement d'appareils par de plus gros porteurs. Les coûts ne monteraient donc pas tant que cela, les appareils étant plus performants et le nombre de départs ne devant en fait être en hausse que de 2,7 % (selon la Nationale). Ils ajoutaient que la force des économies intérieure et mondiale allait permettre d'accueillir cette nouvelle capacité.

La thèse la plus optimiste devait finalement l'emporter.

Voilà maintenant que l'histoire se répète.

À la suite de la journée des investisseurs, Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, a remis à jour ses prévisions. Sa cible pour la prochaine année est à 34 $, mais l'analyste conclut que, sur l'horizon 2020, le titre pourrait dépasser 55 $. Un doublé.

À l'inverse, Ben Cherniavsky, de Raymond James, continue d'être sceptique et voit le titre reculer à 24 $ dans les prochains mois.

Qui a raison ?

Le scénario optimiste

M. Chamoun voit d'abord les coûts du transporteur poursuivre leur amélioration.

La société est sur le point de remplacer des Airbus A-320 par des Boeing 737-8 Max, ce qui devrait faire baisser les coûts d'exploitation par siège mille disponible de 11 % (comparativement aux Airbus). Parallèlement, elle va prendre livraison de CSeries qui doivent fournir des économies allant jusqu'à 12 % par rapport aux Embraer 190.

S'ajoute une nouvelle entente avec Jazz sur l'horizon 2021-2025, qui devrait permettre d'économiser 55 millions de dollars par année.

L'analyste voit aussi un potentiel d'optimisation du côté des revenus.

Air Canada a lancé un nombre significatif de nouvelles routes à l'international ces dernières années (sur des gros porteurs), particulièrement en 2016 et en 2017. M. Chamoun estime que ces routes ne sont qu'en phase préliminaire d'optimisation.

Il voit également des occasions de croissance des revenus du côté du cargo. L'expansion internationale s'est surtout faite du côté des passagers ; le moment est venu de la complémenter.

Cerise sur le gâteau : Air Canada se dotera en juin 2020 de son propre programme de fidélisation, lequel remplacera Aéroplan, exploité par Aimia. Ce programme pourrait générer de 2 à 2,5 milliards de dollars de valeur supplémentaire pour Air Canada (entre 5 et 7 $ par action), calcule M. Chamoun.

Le scénario pessimiste

M. Cherniavsky dit de son côté trouver difficile d'évaluer jusqu'à quel point la croissance des bénéfices d'Air Canada ces dernières années est le reflet d'un déploiement de capital prudent ou, tout simplement, de la pure chance.

Il reconnaît plusieurs de ses accomplissements, mais note que l'industrie aérienne a profité de vents dorsaux assez puissants. Le prix du pétrole a radicalement reculé, et, dernièrement, le dollar canadien a repris de la vigueur.

Surtout, la croissance économique a été au rendez-vous. Elle a fait en sorte que la demande pour les voyages a continué d'augmenter malgré un taux d'endettement des consommateurs toujours croissant. Elle a aussi permis d'absorber les ajouts de capacité.

D'après M. Cherniavsky, Air Canada navigue actuellement dans un environnement quasi parfait, mais il croit qu'au moins un de ces facteurs favorables évoluera vers le pire dans les prochains 12 à 24 mois et que la solidité de la stratégie d'Air Canada sera alors vraiment testée.

Qui a raison?

Le scénario de BMO d'une action à 55$ s'appuie sur des marges bénéficiaires à 18,5 % et sur un multiple de 4,5 fois appliqué au BAIIAL attendu en 2020.

On est personnellement assez sensible à l'argumentaire de Raymond James. Les cycles économiques baissiers ont historiquement lourdement endommagé les sociétés aériennes et, bien que les turbulences puissent être moindres que par le passé, le bénéfice de demain pourrait être moindre que celui d'aujourd'hui.

M. Chamoun a un scénario pessimiste, où il place la marge bénéficiaire à 17 % et où il utilise un multiple de 4,5 fois le BAIIAL. Sa cible tombe alors à 43,50 $.

On préférerait appliquer un multiple de 4, qui est davantage dans la moyenne historique. En théorie, ce multiple devrait alors être plus élevé, étant donné le désendettement du bilan. Toutefois, en 2020, on sera normalement en fin de cycle, ce qui contrebalance. On préférerait aussi une marge sous la fourchette fournie par la direction d'Air Canada pour compenser une éventuelle baisse de revenus liée au recul cyclique. À 15 % de marge et à un multiple de 4, on tombe à une valeur par action de 25 $.

Les optimistes diront que c'est le niveau actuel de l'action et qu'en conséquence le risque de perte est faible, et le potentiel, élevé. Les pessimistes répondront que, suivant le scénario, le potentiel de gain a peu de probabilité de se matérialiser et qu'il y a de meilleures options d'investissement sur le marché.

Quelque chose nous dit qu'Air Canada a encore un potentiel intéressant de gain, mais qu'un doublé est peu probable.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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