Le marché tombe et c'est tant mieux

Publié le 05/02/2018 à 19:56

Le marché tombe et c'est tant mieux

Publié le 05/02/2018 à 19:56

Il fallait nous voir, en après-midi lundi, lorsque le Dow Jones s'est mis à décrocher. Tous les journalistes de l'îlot avaient les yeux rivés sur l'écran alors que le chiffrier descendait.

À moins 800 points, notre intérêt a été piqué. À -1000, on s'est dit, oh-là, c'est sérieux. À -1 500 points, là, beaucoup se grattaient l'occiput.

La journée s'est finalement terminée avec un Dow Jones en recul de 1 175 points, une baisse de 4,6%.

Comment expliquer le caractère subit et l'ampleur du décrochage?

Chacun a sa petite théorie là-dessus, mais, pour reprendre la théorie de notre collègue Dominique Beauchamp, énoncée quelque part entre les 1 200 et 1 500 points de baisse, il n'y avait vraisemblablement plus beaucoup d'humain sur le marché.

Plusieurs fonds ont aujourd'hui des stratégies préprogrammées, avec des ordres de ventes à certains niveaux, parfois corrélés à ce qui se passe sur d'autres titres ou sur d'autres marchés comme celui des obligations. Des niveaux techniques sont brisés quelque part, des signaux se déclenchent, les machines s'emballent, les ordres de vente et d'ajustement de pondération partent automatiquement et le capharnaüm s'installe.

Qu'arrivera-t-il maintenant?

On pourrait bien récupérer une partie du territoire perdu, mais ce n'est pas ce que devrait souhaiter l'investisseur raisonnable.

La chute de 7% du Dow Jones depuis vendredi est saine.

Laissons-le de côté pour s'attarder au S&P 500, qui est plus révélateur de l'état actuel du marché (500 titres contre 30).

Le S&P 500 se négocie actuellement à 17 fois le bénéfice attendu pour 2018, selon le consensus établi par FactSet. Il était à 18,2 fois jeudi dernier, avant que ne s'amorce le mouvement baissier.

C'est un niveau qui demeure assez élevé si l'on tient compte que le multiple historique moyen tourne davantage autour de 15 fois les bénéfices. On était jeudi plus de 20% au-dessus du multiple moyen et on est encore à 13% au-dessus.

Le niveau de jeudi n'était cependant pas pour autant déraisonnable. Le multiple moyen de 15 doit en effet être mis en relation avec une progression historique des bénéfices qui se situe autour de 7-8% par année. Pour 2018, c'est une progression de 17,4% des bénéfices que les analystes anticipent. D'où la nécessaire supériorité du multiple actuel.

Soit, diront les pessimistes, mais cette progression attendue de 17,4% est-elle réaliste?

C'est en effet une grosse commande. En 2016, elle n'a été que de 13%, et on connaît la moyenne historique (7-8%). Mais le cycle économique est fort et il est cette fois accompagné d'une baisse d'impôt importante aux États-Unis, qui, si elle ne stimule pas la croissance, fera assurément grimper significativement les bénéfices. Dans ce contexte, la commande apparaît atteignable.

À 18 fois les bénéfices, donc, l'évaluation du marché était défendable. Et elle le sera encore si on revient au niveau d'avant correction.

Là où ça se complique

C'est sur 2019 que ça se complique en fait. En postulant que la cible de bénéfice 2018 soit atteinte (155), il faudrait que ceux-ci croissent encore de 10% en 2019 pour amener le multiple du S&P 500 vers sa moyenne historique de 15.

Il y a beaucoup plus de brouillard sur ce que sera l'état de l'économie à ce moment. Et cette anticipation d'une croissance de 10% en 2019 est plus difficile à défendre. Si au lieu d'être à +10%, on était plutôt à ce moment à -5%, le multiple serait alors de 18. Un niveau cette fois injustifiable, puisque les bénéfices feraient alors marche arrière. Une bonne correction surviendrait.

L'espoir de l'investisseur devrait être que l'on se rende à ce niveau de bénéfice en 2019, mais que cette progression se reflète lentement dans les cours boursiers. Le ressac est le plus grand ennemi de celui qui recherche le rendement à long terme en investissant périodiquement (à chaque mois ou trimestriellement). Il fait reculer des sommes qui auraient autrement été investies à plus faible prix. Qui remporte la palme déjà, dans cette fameuse fable avec un lièvre et une tortue?

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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