Le flushgate pourrait-il être payant ?


Édition du 28 Novembre 2015

Le flushgate pourrait-il être payant ?


Édition du 28 Novembre 2015

Peut-on faire de l'argent en tablant sur les industries qui s'occupent de nos déchets solides et de nos eaux usées ?

La question nous est venue, il y a quelques jours, alors que Montréal terminait de déverser ses eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent et qu'une discussion téléphonique avait cours sur les difficultés de l'industrie du recyclage.

Le hasard fait parfois bien les choses : Credit Suisse amorçait justement le lendemain le suivi du secteur des déchets solides.

Commençons par là.

Les éboueurs sont-ils sur le point de prendre de la valeur ?

Pas tous, mais le secteur dans son ensemble devrait bien performer au cours des prochaines années, croit la maison.

Depuis 2005, le marché des déchets aux États-Unis affiche une forte corrélation (0,85) par rapport à celui des mises en chantier de résidences, avec un décalage d'un an.

Le marché résidentiel génère, dans un premier temps, des déchets liés à la destruction d'immeubles existants et à la préparation de terrains, et, dans un deuxième temps, aux nouvelles constructions elles-mêmes. La formation de nouveaux ménages fait ensuite aussi généralement augmenter la consommation des individus, ce qui représente un nouvel impact à la poubelle.

Le nombre de mises en chantier a repassé la barre du million en 2014, et Credit Suisse prévoit qu'elles devraient croître de 7 % en 2015 et de 9 % en 2016.

Si tel est le cas, ces mises en chantier généreront des volumes supplémentaires intéressants.

Il n'y a pas que la construction résidentielle qui envoie de bons signaux.

Dans d'autres créneaux, des indicateurs signalent également une reprise des volumes. Les opérateurs de service de collecte rapportent par exemple que les affaires des clients commerciaux s'améliorent et que ceux-ci demandent maintenant plus de services qu'avant (une collecte plus fréquente, par exemple).

Grâce à une demande plus forte, les prix ont de leur côté commencé à grimper, tant à la cueillette qu'au site d'enfouissement. Credit Suisse prévoit que les prix devraient augmenter de 2 % par année dans les calendriers à venir, ce qui sera supérieur à l'inflation.

En raison de volumes croissants, de prix qui progressent un peu plus rapidement que l'inflation et d'opérateurs qui ont gagné en productivité depuis quelques années (notamment en mécanisant davantage les camions de cueillette), l'industrie devrait assister à une accélération de la croissance de ses bénéfices.

La maison aime deux sociétés.

> Waste Management (WM, 53,63 $ US). Le plus important exploitant du secteur, avec 23 % de parts de marché. Les données fondamentales et quelques acquisitions devraient propulser le bénéfice de 15 % sur un horizon de deux ans. Ainsi, on prévoit que le titre pourrait toucher les 60 $ US d'ici un an.

> Waste Connections (WCN, 54,79 $ US). Quatre fois plus petit que Waste Management (en matière de valeur d'entreprise), cet acteur concentre ses efforts sur les marchés secondaires, où il y a moins de concurrents. Les volumes y sont plus faibles, mais les prix y sont souvent plus élevés. Le bénéfice devrait aussi progresser de 15 % d'ici 2017. Et on prévoit que le titre atteindra 60 $ US d'ici 12 mois.

De bons paris ?

Le risque de recul du secteur des déchets est probablement minime dans un contexte où l'économie américaine poursuit son expansion.On n'est cependant pas aussi sûr que Credit Suisse que les titres du secteur progresseront beaucoup, même si les bénéfices sont conformes aux attentes.

Waste Management se négocie à plus de 9 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) prévu en 2016. C'est son plus haut niveau en 10 ans. Sur cette période, le titre a rarement grimpé à plus de 8 fois le bénéfice.

Même chose pour Waste Connections, qui est à plus de 12 fois le BAIIA et qui n'a presque jamais dépassé le ratio de 10 fois dans le passé.

Il semble y avoir un peu trop d'anticipation dans les cours.

Et l'eau, alors ?

Il serait étonnant que ce marché fasse du surplace au cours des prochaines années.

Le déversement de Montréal est venu mettre en évidence les importants problèmes de traitement des eaux usées, non seulement au Québec, mais au Canada et aux États-Unis.

Ce n'est pas le seul vecteur favorable aux fournisseurs de solutions de traitement d'eau. Si le Québec regorge d'eau, d'autres régions dans le monde en ont beaucoup moins. La pression est particulièrement forte en Espagne, au Moyen-Orient, en Asie centrale et dans quelques pays d'Afrique. La poussée démographique, le vieillissement des infrastructures et l'amélioration du niveau de vie devraient entraîner dans le futur des investissements considérables.

Qui jouer ?

Il y a le Big Four : Veolia Environnement, GE Water, Siemens et Suez Environnement.

Ce sont des véhicules peu appropriés. GE Water est noyée dans GE. Et les autres sont des sociétés européennes, dans lesquelles il est plus difficile d'investir pour un Nord-Américain.

Plus près de chez nous, il y a la société québécoise Ovivo (OVI.A, 1,37 $). C'est une ancienne division du Groupe GLV. Après une série de déveines, elle vient de surprendre les analystes avec des résultats nettement supérieurs aux attentes à son dernier trimestre. Deux analystes aiment la société et ont des cibles qui laissent entrevoir des rendements de plus de 60 %.

Il y a aussi H2O Innovations (HEO, 1,12 $), une plus petite société québécoise, dont on connaît le chef de direction, mais que l'on a moins suivie dans les dernières années. L'entreprise compte plus de 600 systèmes de traitement de l'eau installés à ce jour. Elle souhaite doubler ses revenus d'ici 2020. Les trois analystes qui la suivent sont aussi optimistes.

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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