L'explosion des aurifères peut-elle tenir ?


Édition du 04 Juin 2016

L'explosion des aurifères peut-elle tenir ?


Édition du 04 Juin 2016

Le secteur minier va mal, dit-on. Pas tout à fait du côté du secteur aurifère où, depuis le début de l'année, le prix du métal est en hausse de près de 15 %, tandis que les titres des sociétés aurifères ont pratiquement doublé. Le phénomène peut-il se poursuivre, ou vaudrait-il mieux songer à sortir ?

Le réflexe est de se dire qu'il est temps de mettre les voiles et de s'éloigner rapidement... du moins des actions aurifères, dont la progression est de 4 à 5 fois celle du prix de l'or.

Ne prenez pas nécessairement la fuite à toutes jambes, avertit cependant Don MacLean, analyste du secteur chez Paradigm Capital. Tout dépend en fait de l'angle sous lequel on décide d'analyser la situation.

M. MacLean croit que le secteur aurifère est entré dans un nouveau cycle haussier, qui s'est amorcé lorsque l'once d'or a touché un creux de 1 050 $ US, à la mi-décembre 2015.

Les investisseurs doivent considérer deux angles.

Le premier permet de voir que le découplage entre la progression du prix de l'or et celle du prix des actions n'est peut-être pas aussi accentué qu'il n'y paraît.

Du sommet atteint en 2011-2012 au creux de la fin de 2015, les prix de l'once d'or et des actions aurifères ont reculé de façon passablement différente. Le métal précieux a perdu 45 % de sa valeur, tandis que les titres des producteurs séniors et intermédiaires se sont repliés de 86 %. Vous avez bien lu : 86 %. En conséquence, le comportement de chacun dans un marché en reprise devrait aussi être très différent. Pour l'heure, le prix de l'or a récupéré 27 % de son déclin, tandis que les titres des producteurs ont repris environ 30 % du terrain perdu. Les cours du métal et des actions des producteurs sont donc nettement plus appariés qu'il n'y semble à première vue. Du point de vue de la relativité, approche qui plaisait à un certain Einstein, le rebond est à peu près le même.

Maintenant qu'on a vu que le prix des actions est correctement synchronisé avec celui du métal, allons au deuxième angle, qui s'attarde à la force du rebond aurifère dans son ensemble. Est-il réellement trop fort ? La même chose s'était produite lors du cycle de 2002. Cette année-là, le prix de l'or avait augmenté de 25 %, alors que les titres aurifères avaient bondi de 150 %. Le rebond de début de cycle avait donc été encore plus fort que le rebond actuel.

Qu'est-ce à dire au en fin de compte ?

Qu'il pourrait rester encore pas mal d'altitude potentielle au secteur. Sur un horizon de 3 à 4 ans, M. MacLean a un cours cible de 1 800 $ US pour l'once d'or. C'est dire qu'il n'y a actuellement que le tiers du chemin de fait, qu'il s'agisse du prix de l'or comme tel ou des actions. C'est une progression potentielle de plus de 40 % en ce qui concerne le prix de l'or. Sans entrer dans le détail, ce sont des titres qui pourraient encore plus que doubler dans le cas des sociétés aurifères.

Important : cette cible de 1 800 $ US est établie en tablant sur un rebond de 70 % du prix de l'or à partir de son creux de 1 050 $ US de décembre 2015. Pourquoi 70 % ? Parce que, dans quatre des cinq cycles haussiers qu'a connus le prix de l'or depuis 1976, la progression a été d'au moins 70 %. Deux ont été des cycles standards, où le gain a été de 70 à 71 %, et deux ont été des supercycles, avec des bonds de 600 %.

Sommes-nous réellement dans un nouveau cycle ?

C'est la question fondamentale. Pour que le scénario de Paradigm se réalise, il faut qu'on soit dans un nouveau cycle et non pas dans une résurgence temporaire qui pourrait être suivie d'un retour à la case départ.

L'équipe d'analystes croit que oui, pour un certain nombre de raisons. Dont celles-ci :

1. La force du recul depuis le sommet du 9 septembre 2011 (1 880 $ US l'once). Trois des quatre reculs cycliques depuis 1976 ont eu une force de 45 %. C'est exactement la proportion qu'on a atteint en décembre 2015, lorsque l'actuel rebond s'est mis en route.

2. En tenant pour acquis que le dernier cycle baissier s'est terminé en décembre dernier, il aura duré 4,3 ans. La durée moyenne des quatre cycles baissiers (depuis 1976) est de 3,6 ans, et si l'on prend les trois plus longs, de 4,1 ans (à noter que les deux plus longs ont cependant été de 5 et 5,5 ans).

3. La force du rebond est telle, depuis la mi-décembre, qu'il est difficile de ne pas y voir un changement de sentiment dans le marché.

4. Le dollar américain semble ne pas être loin d'un sommet par rapport aux autres devises. Historiquement, le prix de l'or et celui du billet vert sont inversement corrélés.

Que jouer ? Et faut-il jouer ?

Si on croit au scénario, la maison aime bien les titres de Franco-Nevada (FNV, 83,12 $), Agnico-Eagle (AEM, 58,44 $), Alamos (AGI, 8,18 $) et Sandstorm (SSL, 4,89 $). À jouer en panier plutôt qu'individuellement.

On a cependant quelques doutes quant au niveau actuel d'évaluation du secteur. La Réserve fédérale des États-Unis examine la possibilité de hausser son taux directeur à l'été, et les dernières données semblent suffisamment fortes pour justifier l'opération. Pendant ce temps, à peu près tous les autres pays connaissent des difficultés de croissance. Il ne serait pas étonnant que le dollar américain reprenne de la vigueur dans les prochains mois. Un phénomène qui n'est pas favorable au marché de l'or. Paradigm reconnaît en outre qu'une correction est possible.

La théorie est peut-être valable, mais la fenêtre d'entrée ne semble pas la meilleure.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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