L'astuce de Couche-Tard

Publié le 06/06/2012 à 09:19, mis à jour le 06/06/2012 à 12:14

L'astuce de Couche-Tard

Publié le 06/06/2012 à 09:19, mis à jour le 06/06/2012 à 12:14

BLOGUE. Dans un geste surprise, Couche-Tard lève toutes les conditions dont était assortie son offre d'achat de Statoil Fuel & Retail. Une bonne idée, qui devrait lui permettre d'atteindre tout de même son objectif, sans risquer sa crédibilité ou s'auto-piéger dans un dangereux précédent.

La principale exigence qu'abandonne Couche-Tard est relative à l'obligation que 90% des actions de Statoil lui soient remises pour que l'offre soit honorée.

En exigeant pareille hauteur, la société québécoise cherchait vraisemblablement la possibilité de forcer le rachat des actions qui lui manqueraient et éventuellement contrôler 100% du capital. Beaucoup de législations de par le monde prévoient qu'un acquéreur qui prend le contrôle de 90% d'une entreprise à la suite d'une OPA peut ensuite forcer la passation des 10% d'actions qui lui manquent. C'est ce que semble notamment prévoir la législation norvégienne.

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Contrôler la totalité d'une entreprise est fort avantageux. Ça évite que celle-ci ait à produire des rapports publics et fait aussi en sorte qu'on n'a pas, dans les opérations courantes, à tenir compte d'un éventuel impact sur les actionnaires minoritaires. Certaines mesures peuvent parfois être bénéfiques à la société mère, mais préjudiciables aux actionnaires de la filiale. Le contrôle de la totalité du capital permet de déployer le plan de match avec beaucoup plus d'agilité en profitant notamment de toute liberté dans l'affectation des flux de trésorerie.

Dans la recherche de cette agilité, Couche-Tard était cependant en train de s'enferrer dans une situation où elle risquait d'avoir plus à perdre qu'à gagner.

Son offre d'achat devait expirer au plus tard le 28 juin.

Qu'aurait-elle fait à l'expiration de celle-ci?

- Hausser le prix aurait envoyé un bien mauvais signal au marché pour ses futures acquisitions. Les actionnaires de la proie se seraient chaque fois bien gardés de remettre leurs actions sur la première offre.

-Reconduire l'offre sans conditions au 28 juin aurait un peu entaché la crédibilité du groupe, après qu'il eut prévenu qu'il n'y aurait pas de prolongation de l'offre au-delà de la date butoir et indiqué qu'il regardait d'autres options.

En retirant les conditions dès maintenant, Couche-Tard évite de se placer dans ces deux situations et apparaît maintenant avoir une assez bonne probabilité d'obtenir le niveau de 90% qu'elle recherche.

Il est vrai qu'un actionnaire de Statoil pourrait décider de conserver ses actions afin de bénéficier de la création de richesse future qu'amènera Couche-Tard. Mais il y a cependant un risque de correction du titre à la suite de la transaction et d'un retour des multiples à des niveaux de marché plutôt que d'OPA.

"Un tien vaut mieux que deux tu l'auras", dit l'adage.

Quelque chose nous dit que c'est aussi ce que se diront les actionnaires qui retiennent actuellement leurs actions.

PLUS: Statoil : Couche-Tard prête à acheter sans conditions

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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