Jacques Parizeau: le père de la Nasa québécoise

Publié le 02/06/2015 à 10:16

Jacques Parizeau: le père de la Nasa québécoise

Publié le 02/06/2015 à 10:16

Photo: Asclepias, via Wikimedia Commons ( licence CC-by-sa 3.0)

Je n’ai pas connu de près Jacques Parizeau, mais l’ai beaucoup suivi. Rétroactivement par les livres pour ce qui me manquait, et avec grand intérêt pour la suite des choses.

Deux fois nos chemins se sont croisés. La première n’est pas près de sortir de mémoire.

C’était au tournant des années 90, lorsque les Bourses de Toronto et Montréal avaient amorcé un projet de restructuration de leurs activités.

Essentiellement, le projet avait pour effet de sortir de la Bourse de Montréal toutes les grandes sociétés et de transporter leur inscription à Toronto. Montréal ne conserverait qu’une plate-forme de négociation de produits dérivés. Un axe de développement que certains spécialistes, comme Jean Turmel, un ancien haut dirigeant de la Banque Nationale, jugeaient fort prometteur (monsieur Turmel allait avoir raison), mais dont plusieurs doutaient.

Si Toronto ne veut pas des produits dérivés et préfère les grosses capitalisations, en quoi cette plateforme peut-elle être si avantageuse?

Jeune chroniqueur économique à l’époque, j’étais aussi suspicieux.

J’aurais préféré voir un autre type de projet, une alliance entre la Bourse de Montréal et la Bourse de Paris, qui aurait favorisé l’inscription de titres québécois, canadiens et français sur une nouvelle plateforme de négociation et permis de faire un premier pont entre l’Amérique du nord et l’Europe.

Le but était assez simple : faire évoluer la dynamique de pensée des entrepreneurs d’ici et de France. Avec un système favorisant l’investissement de l’épargne québécoise dans les sociétés françaises, et, inversement, l’investissement de l’épargne française dans les sociétés québécoises, les rapports commerciaux France-Québec se seraient peut-être développés en accéléré. Avec un Québec quotidiennement listé au côté des entreprises françaises, il y aurait peut-être aussi eu un effet psychologique amenant les entrepreneurs français à penser un peu plus Amérique dans le développement de leurs marchés. Et où mieux établir le siège social d’une filiale nord-américaine qu’en la province, avec son bassin de main-d’œuvre bilingue.

Bref, on déplorait à l’époque la perte d’un symbole, mais surtout d’un levier économique potentiel encore inexploité.

Qui donc aurait suffisamment de force économique, d’influence et de crédibilité internationale pour éveiller les consciences?

-Bonjour monsieur Parizeau! J’aimerais savoir ce que vous penseriez du projet suivant, et me demandais si c’est quelque chose qui pourrait éventuellement vous intéresser.

La réponse n’avait pas tardé à venir.

-Mais, vous êtes sur une autre planète!

Ouf.

-Peut-être, mais je me demandais s’il n’y avait pas moyen de bâtir une Nasa pour s’y rendre, avais-je balbutié, un peu décontenancé par la frappe.

C’était aussi ça, Jacques Parizeau. Un homme qui ne mâchait pas ses mots et dont les batteries balayaient fort ce en quoi il ne croyait pas.

L’on s’était reparlé quelques années plus tard, alors que j’occupais des fonctions de développement à une chaîne télé économique et que je cherchais à l’amener à l’antenne. Un échange fort intéressant sur la couverture de l’économie au Québec et sur l’état de cette économie. D’où était ressorti, en filigrane, une assez grande considération pour Pierre Karl Péladeau.

Il n’avait pas été question de la Bourse de Montréal…

Après tout, m’étais-je dit, cet homme a déjà mis en place la Société générale de financement, la Caisse de dépôt, le Régime d’épargne actions. Des outils sans lesquels le Québec n’afficherait pas du tout aujourd’hui le même PIB, ni la même richesse sociale.

La Nasa économique du Québec, cet instrument à multiples têtes qui a permis à la nation de faire des pas de géant, il l’avait déjà construite.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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