Investir dans le muscle

Offert par Les Affaires


Édition du 03 Septembre 2016

Investir dans le muscle

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Édition du 03 Septembre 2016

[Photo : Shutterstock]

«Bon, ben, c'est l'heure. Il est temps que j'aille voir mes douche[bags]...» C'est presque devenu une routine quotidienne. Plusieurs soirs par semaine, notre collègue Daniel Germain se met en route vers le centre d'entraînement où, après avoir fortement travaillé du muscle cérébral - l'îlot de travail est le repère de coriaces débatteurs - il fait travailler le reste de son corps.

Son assiduité au gym a évidemment déclenché de rigolotes discussions sur la mise en forme(s !) et sur les meilleurs moyens pour être en phase avec la fameuse maxime «mens sana in corpore sano» (un esprit sain dans un corps sain).

Lisez aussi: Nautilus veut vous payer pour aller au gym

Les échanges nous ont donné l'idée de creuser davantage, histoire de voir s'il n'y avait pas actuellement un phénomène social en mouvement. Constat : notre confrère n'est effectivement pas le seul à avoir attrapé la piqûre du gymnase. Le virus court, et depuis quelques années, la cohorte athlétique augmente. L'International Health, Racquet & Sportsclub Association rapporte que, de 2007 à 2014, le nombre de membres de clubs d'entraînement a connu une croissance annuelle composée de 3,9 % aux États-Unis. De 41,5 millions d'abonnés, en 2007, ils sont passés à 54,1 M en 2014.

Le secteur est intéressant. Se trouve-t-il maintenant un champion qui pourrait surfer sur la tendance et déloger les plus faibles acteurs de l'industrie?

C'est peut-être le cas de Planet Fitness(PLNT, 22,32 $ US). La société est en Bourse depuis un peu plus d'un an. Elle compte 1 207 centres d'entraînement dans 47 États américains, au Canada et en République dominicaine. Environ 90 % de ceux-ci sont des établissements franchisés. Son pain et son beurre viennent donc de son système de franchises.

Est-ce un modèle fonctionnel?

Ça semble être le cas. Il s'est ajouté 206 établissements en 2015. Planet Fitness prévoit inaugurer 210 autres centres en 2016. Il y a en fait 1 000 ententes signées afin de développer des franchises sectorielles, et 500 ouvertures d'établissements sont prévues au cours des trois prochaines années.

Les ententes sont ratifiées avec des gens sérieux. Pour obtenir une franchise, une personne doit valoir 1,5 M$ et détenir 500 000 $ de liquidités. Une franchise pour le développement d'un secteur ou d'une région complète nécessite une valeur personnelle de 3 M$ et des liquidités de 1,5 M$.

L'investissement d'un franchisé dans un centre d'entraînement est en moyenne de 2,2 M$, et il grimpe à 2,8 M$ lorsqu'on inclut le renouvellement obligatoire des équipements au bout d'une période variant de 4 à 7 ans, calcule J.P. Morgan. Le rendement de l'investissement étant cependant d'environ 20 %, le franchisé récupère normalement sa mise dans un délai maximal de cinq ans (pay-back).

Pour que le franchiseur gagne, il faut que le franchisé gagne. Et cela semble le cas pour l'instant.

Planet Fitness fait le gros de son argent grâce à une redevance de 5 % par mois sur le prix de l'abonnement. Les franchisés sont aussi forcés de remplacer leurs équipements sur des périodes allant de 4 à 7 ans et de les acheter du franchiseur. De meilleurs prix peuvent ainsi être obtenus, et le franchiseur prélève une marge au passage.

Quel est le potentiel du titre ?

C'est toujours assez difficile à dire, mais Planet Fitness croit qu'elle pourrait se rendre à au moins 4 000 établissements aux États-Unis et à 300 au Canada.

Son modèle d'entreprise table sur un abonnement à faible coût : de 10 à 20 $ US par mois. À 20 $ US par mois, la Black Card donne notamment accès à tous les établissements, à des massages, à des rabais sur les boissons désaltérantes, etc. L'entreprise pense ravir des parts de marché à la concurrence, mais croit surtout pouvoir convaincre de plus en plus de Daniel Germain de fréquenter ses établissements. Et ce, simplement en ouvrant des centres non loin de leur domicile ou de leur bureau. Elle ne vise pas en premier lieu les 54 M d'Américains qui fréquentent les gyms, mais les 255 M qui n'y vont pas encore.

Chaque nouvel établissement signifie des redevances supplémentaires et des ventes d'équipements additionnelles, avec un renouvellement constant.

Pour l'investisseur, la question est de savoir s'il y a de la place pour 4 300 établissements en Amérique du Nord, et combien de ceux-ci sont déjà escomptés dans le cours de l'action.

En se fondant sur la pénétration actuelle de Planet Fitness dans ses cinq principaux marchés, l'analyste John Ivankoe, de J.P. Morgan, arrive à des chiffres plus prudents que ceux de la direction. Il envisage plus de 2 500 unités aux États-Unis et 300 au Canada. Ce qui veut dire qu'à terme, le nombre de gymnases pourrait encore être multiplié par 2,3 fois.

Au cours actuel, le titre se négocie à plus de 28 fois le bénéfice prévu en 2017 et à 23 fois celui de 2018 (0,95 $ US par action).

M. Ivankoe prévoit qu'en 2018, Planet Fitness comptera 1 740 établissements (200 ouvertures par année). C'est le tiers du chemin qui sera parcouru, avec un multiple qui demeure assez élevé, mais qui est de l'ordre de celui que l'on observe chez les sociétés affichant une forte croissance. Il restera encore deux tiers de la piste d'envol si l'on retient le scénario prudent de l'analyste, et beaucoup plus si l'on retient celui de la direction (2 800 établissements par rapport à 4 300). Sans compter l'Europe et l'international.

La charge est lourde, et le risque d'entorse, significatif ; mais il n'est pas impossible qu'on ait ici un futur champion boursier.

Sur le radar

Planet Fitness (PLNT, 22,32 $ US)

Le titre sur un an

Source : Bloomberg

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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