Bourse: Groupe TVA ou CBS?


Édition du 20 Août 2016

Bourse: Groupe TVA ou CBS?


Édition du 20 Août 2016

(Photo: LesAffaires.com)

On a sursauté, il y a quelques jours, en creusant les résultats de Groupe TVA et en s'attardant à l'évaluation du titre.

À première vue, les chiffres du dernier trimestre ont des allures de totale débandade. Le bénéfice est en recul de 67 % par rapport à la même période l'an dernier.

Mais cette contreperformance s'explique. Le CH ne ratera pas les séries chaque année. Studios Mels bénéficiait l'an dernier d'une période exceptionnelle qui, cette année, est revenue à la normale. De plus, il a fallu composer avec l'annulation imprévue d'une grande production hollywoodienne.

La meilleure façon d'évaluer Groupe TVA est sans doute d'isoler TVA Sports, qui pèse actuellement lourdement sur sa rentabilité. TVA ne divulgue pas les pertes de sa filiale (du moins lors des résultats trimestriels ; il faudra attendre plusieurs mois son rapport annuel au CRTC pour pouvoir en prendre la mesure).

Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, se prête cependant à un exercice d'évaluation des pertes que génère TVA Sports.

En 2015, la chaîne sportive a subi une perte opérationnelle de 46 M$, alors que les résultats consolidés de TVA ont généré un bénéfice d'un peu plus de 47 M$, selon l'analyste. C'est dire que, si TVA Sports n'avait pas existé, le bénéfice de Groupe TVA aurait doublé.

Combien vaudrait Groupe TVA si on fermait TVA Sports ? Ou, vu autrement, combien vaut Groupe TVA si on n'accorde aucune valeur à TVA Sports ?

C'est ce que tente d'évaluer M. Valentini. Pour ce faire, il regroupe dans un premier temps les activités de diffusion et de production de l'entreprise et applique un multiple de 4 fois à leur bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) qu'il prévoit pour 2017. C'est dire qu'il juge que la valeur de ces activités est équivalente à 4 fois leur bénéfice.

Il regarde ensuite la division des magazines, et assigne à son BAIIA un multiple de 2,5. Le multiple plus faible est utilisé parce que le marché n'est pas prêt aujourd'hui à payer aussi cher pour de l'imprimé.

Selon M. Valentini, la valeur des activités télé plus celle des activités magazines, moins la dette égale 5 $ par action.

La valeur espérée pour l'action de Groupe TVA dans un an, si on ne tient pas compte de TVA Sports, est donc de 5 $ (le titre se négocie aujourd'hui à 3,98 $).

Là où survient l'étonnement

Ce multiple de 4 appliqué aux bénéfices télé semble plutôt faible. N'y a-t-il pas un repère qui puisse être apparenté à TVA pour juger s'il est adéquat ?

Oui : CBS (CBS, 52,05 $ US).

C'est ici qu'arrive l'étonnement.

CBS se négocie actuellement à plus de 9 fois son BAIIA, et des analystes n'hésitent pas à attribuer un multiple de 10 au bénéfice qu'ils anticipent pour 2017 afin d'établir leur cible.

Avec pareil multiple assigné à ses activités télé, la valeur espérée pour l'action de TVA l'an prochain ne serait pas de 5 $, mais de près de 13,50 $ !

Comment expliquer l'écart ?

Pas simple.

Il n'y a pas de doute que le multiple de TVA est pénalisé pour l'inconstance de ses résultats. En ce qui a trait aux activités télé, les chiffres de la TD vont ainsi : un BAIIA de 46 M$ en 2014 et de 71 M$ en 2015 ; des prévisions de 55 M$ en 2016 et de 46,6 M$ en 2017.

Pendant ce temps, les résultats et les consensus à venir chez CBS sont plus réguliers : un BAIIA de 3,2 G$ US en 2014 et de 3,1 G$ US en 2015 ; des prévisions de 3,4 G$ US en 2016 et de 3,5 G$ US en 2017.

Le modèle d'entreprise que tente actuellement de développer CBS est intéressant. Le producteur-diffuseur veut revendre ses titres de production à des tiers.

Ainsi, la vente des droits internationaux de sa nouvelle série Star Trek à Netflix et à Bell Media fait en sorte que les coûts de production sont complètement épongés et que les revenus aux États-Unis feront prochainement fortement sonner la caisse. La même recette est utilisée pour quelques séries de sa chaîne Showtime (on peut en voir sur Super Écran) ou encore de ses émissions de fin de soirée.

Bonne recette, donc. La projection de croissance du bénéfice sur l'horizon 2017 semble néanmoins un peu faible pour justifier un multiple de 10 au BAIIA. Il y a de l'espoir dans le multiple actuel de CBS, les investisseurs semblent entrevoir que le bénéfice accélérera sa croissance au-delà de l'horizon 2017.

Faut-il investir dans CBS ou TVA ?

On aime personnellement beaucoup le modèle de CBS. Un modèle impossible à dupliquer chez Groupe TVA. Les Américains ont toujours été capables d'exporter leurs productions. Nos sociétés n'ont pas suffisamment de moyens pour financer ce genre de séries.

Cela dit, on se méfie un peu des titres à fort multiple, et on préfère ceux qui sont remplis de désespoir.

Groupe TVA occupe un positionnement commercial pratiquement incontournable au Québec, du moins en ce qui concerne les annonceurs nationaux. Il n'y a pas de grandes attentes par rapport au bénéfice de ses principales activités (télé) d'ici 2017. Et aucune valeur n'est actuellement accordée à TVA Sports.

Est-il déraisonnable de croire que les bénéfices atteindront des attentes en apparence relativement modestes ? Et que, vers 2017, les investisseurs commenceront à accorder de la valeur à TVA Sports face à l'amélioration de sa rentabilité ? Quelque chose nous dit que, à moins d'une récession, le titre devrait offrir un rendement supérieur au marché sur l'habituel horizon d'investissement cinq ans.

D'autant qu'avec Price, Weber et Radulov dans l'alignement, le CH fera les séries cette saison.

Sur le radar

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Groupe TVA (TVA.B, 3,98 $)

> 3 Conserver

> 1 Sous-performance

Cours cible : 4,85 $

Source : Thomson Reuters

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de CBS (CBS, 52,05 $ US)

14 Surperformance

> 7 Conserver

> 13 Acheter

> 1 Vendre

Cours cible : 62,75 $ US

Source : Thomson Reuters

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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