Entretien avec le PDG d'Hydro: trop de projets de barrages au Plan Nord?

Publié le 07/05/2012 à 09:19, mis à jour le 07/05/2012 à 12:19

Entretien avec le PDG d'Hydro: trop de projets de barrages au Plan Nord?

Publié le 07/05/2012 à 09:19, mis à jour le 07/05/2012 à 12:19

[Photo : Projet de la Romaine – Hydro-Québec]

Au cours des 25 prochaines années, Hydro-Québec ne construira pas autant de barrages qu'on ne le laisse entendre. Les investissements de 47 milliards de dollars prévus par Québec, et qui représentent près de 60 % du Plan Nord, sont exagérés. Tous ne se feront pas. Et c'est tant mieux.

C'est avec cette conviction que l'on est ressorti, il y a quelques jours, d'une rencontre éditoriale avec le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal.

Ce n'est évidemment pas ce qu'a dit son président, Thierry Vandal. Il est cependant difficile de voir comment Hydro pourra atteindre le chiffre gouvernemental si elle suit le modèle d'affaires qu'elle nous a davantage explicité et si elle veut vraiment faire des bénéfices.

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M. Vandal a, dès l'ouverture de la rencontre, eu une affirmation nuancée. Hydro-Québec se développera en phase avec les besoins du Québec, a-t-il dit. Ce développement, a-t-il enchaîné, se fera en fonction des besoins miniers de la province.

Une allusion au marché à l'exportation, guère plus. On l'y a ramené quelques minutes plus tard. Il dit y croire et être convaincu que l'énergie renouvelable du Québec gagnera en valeur et continuera de faire son chemin vers les États-Unis dans l'avenir. Mais il semble fort conscient qu'avec la mer de gaz de schiste aux États-Unis, le prix de l'électricité risque de demeurer bas pour bien des années. Hydro sera alors incapable d'écouler chez l'oncle Sam de l'électricité nordique à un coût de production plus élevé.

Jusqu'où construira-t-on ?

M. Vandal a indiqué que les capacités d'Hydro permettaient de répondre à l'ensemble des projets miniers actuellement sur la table. La chose s'explique par d'importants surplus de capacité, qu'il a préféré ne pas quantifier.

Ce qu'il inclut dans les capacités d'Hydro n'est pas tout à fait clair. Il y intègre assurément une partie du projet de La Romaine, qui doit ajouter 1 550 mégawatts d'ici 2020. Il n'inclut pas les 1 200 MW de Petit-Mécatina (le projet suivant). Et encore moins les 3 500 MW qui ont été ajoutés par le gouvernement avec le Plan Nord.

Il reste vraiment à voir si ces 3 500 MW, dont les investissements sont évalués à 25 G$ (près du tiers du Plan Nord), seront nécessaires sur l'horizon de 25 ans. Simplement parce que, en ajoutant Petit-Mécatina, on semble déjà pouvoir répondre en bonne partie à la demande que générerait l'expansion des projets actuels et à venir. Mais encore plus pour ce qui suit.

Il est très clair dans l'esprit de M. Vandal que l'industrie minière achètera l'électricité des nouveaux barrages à 9 cents et plus le kilowattheure. C'est le prix minimal auquel il est prêt à vendre l'électricité de La Romaine pour assurer à Hydro un rendement décent sur le capital (12 % sur le 30 % de mise de fonds du projet). À son avis les minières préféreront se connecter au réseau d'Hydro plutôt que de fonctionner avec des génératrices au diesel. Alimenter le Nord en diesel coûte, dit-il, une fortune en transport.

Ce n'est pas aussi évident dans notre esprit. Une récente analyse de Financière Banque Nationale sur le projet de Diamants Stornoway (monts Otish) estimait que la valeur de la mine augmenterait de 13 % si elle passait du diesel à l'électricité. Coût de la ligne de transport, aux frais de la minière : 100 millions de dollars. Avec une ligne au coût de 150 M$, la hausse n'était plus que de 4 %. Et avec une ligne à 200 M$, ce n'était plus rentable. Cerise sur le gâteau, le calcul reposait sur une électricité vendue au prix du tarif L, c'est-à-dire à 3 ¢ le kWh. Hydro prévoit plutôt demander... 9 ¢.

Si les chiffres de l'analyste sont bons, on voit tout de suite pourquoi les 3 500 MW pourraient ne pas être nécessaires.

Évidemment, il est possible que d'autres minières ou des communautés décident de partager les coûts de la ligne. Il reste cependant à voir combien de projets le long d'une ligne projetée auront suffisamment de teneur pour être mis en production.

Une bonne nouvelle, mais un risque

Mauvaise nouvelle que cette probable diminution de construction de barrages?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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