Commission Robillard: remontons le jupon et arrêtons le chrono

Publié le 24/11/2014 à 16:37, mis à jour le 25/11/2014 à 07:08

Commission Robillard: remontons le jupon et arrêtons le chrono

Publié le 24/11/2014 à 16:37, mis à jour le 25/11/2014 à 07:08

Ce qu'on pense de ce premier rapport de la Commission Robillard? Le jupon de ses membres dépasse. Ils devraient rapidement le remonter et demander plus de temps pour présenter des analyses plus objectives.

Depuis la création de la commission, en public et en privé, on a été un de ses ardents défenseurs, en demandant à ce qu'on la laisse faire son travail avant d'ouvrir le feu sur sa pertinence.

Ce premier rapport n'est pas inutile. Il amène certaines pistes à explorer.

L'approche et le ton du rapport sont cependant décevants.

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En lisant le document, on a souvent l'impression d'avoir affaire à un mémoire destiné à la Cour d'appel où les avocats plaident avec force. Dans ces mémoires, à moins qu'ils ne soient incontournables, les faits et les points de droit qui sont susceptibles de faire dérailler la thèse défendue ne sont généralement pas abordés.

Ce qui est de bon aloi dans une cour de justice, est inapproprié pour la Commission Robillard. Son mandat est de réfléchir sur la pertinence d'un programme et de faire rapport avec tout l'éclairage nécessaire.

Or, ce premier rapport donne à penser qu'on a systématiquement choisi de retenir de la lumière pour ne pas nuire à la thèse défendue.

Municipalités: comment a-t-on pu oublier les régimes de retraite?

Un premier exemple se trouve dans cette recommandation de couper 1,3G$ de transferts aux municipalités.

La Commission note que les transferts du gouvernement aux municipalités ont fortement augmenté entre 2007 et 2012 (+8,2% par année).

En parallèle, poursuit-elle, les dépenses des municipalités augmentaient en moyenne de 5,8% par année alors que l'inflation était à 2,7% sur la période, et la croissance des dépenses du gouvernement du Québec à 3%.

Conclusion de la commission: aucune raison objective ne justifie une telle croissance des dépenses municipales. Il est temps pour le gouvernement de réduire ses transferts afin d'inciter les élus à mieux contrôler leurs dépenses.

Aucune raison n'explique l'écart de croissance des dépenses avec le provincial et l'inflation, vraiment?

La commission en donne en fait une, en disant qu'il y a déséquilibre des forces de négociation, et qu'il faudrait mieux outiller les municipalités pour négocier avec les syndicats. Mais elle maintient qu'une réduction de transferts est nécessaire pour discipliner les élus.

Le raisonnement est loin d'être béton.

Il est assez surprenant que dans son évaluation de la croissance des dépenses des municipalités, les commissaires ne fassent aucune allusion à la hausse vertigineuse du coût des régimes de retraite. La Ville de Montréal produisait à l'automne un intéressant mémoire dans lequel on peut voir l'explosion: à près de 150 M$ en 2007, le coût des régimes grimpe à 549 M$ en 2012. Ce n'est pas un petit montant, il représente à lui seul 12% du budget de la Ville.

Le poids des régimes de retraite est assurément une importante explication dans l'écart entre la croissance des dépenses des municipalités et celle des dépenses de l'État. Les régimes de l'État ne sont pas structurés de la même façon et n'ont pas le même poids relatif.

Pourquoi n'a-t-on pas amené l'explication?

On ne sait trop. Elle aurait cependant démoli en bonne partie le raisonnement des commissaires voulant que les dépenses avaient augmenté parce que les municipalités avaient reçu plus d'argent de Québec.

Notons au passage qu'il était impossible pour les élus municipaux de gérer cette situation, occasionnée par l'effondrement des bourses, la baisse des taux d'intérêt et le vieillissement de la population. C'était impossible parce que la loi leur interdisait de toucher aux déficits passés.

Pas le seul endroit où le jupon dépasse

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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