Bombardier: Pierre Beaudoin doit quitter la présidence

Publié le 08/05/2017 à 21:10

Bombardier: Pierre Beaudoin doit quitter la présidence

Publié le 08/05/2017 à 21:10

C'est tout un coup que vient d'affliger la Caisse de dépôt à Bombardier. Non seulement elle vote contre la politique de rémunération de l'entreprise, mais elle refuse également d'appuyer la candidature de Pierre Beaudoin comme président du conseil et l'invite indirectement à démissionner de la fonction.

Juste la position de la Caisse? Oui, mais avec un nombre important de nuances.

Le vote contre la rémunération

Si l'on comprend bien la lettre de la vice-présidente affaires juridiques, Kim Thomassin, la Caisse trouve que la rémunération initiale versée aux hauts dirigeants de Bombardier était trop élevée.

On remarquera cependant qu'elle ne dit pas si la rémunération réajustée de la mi-avril est adéquate ou non. Sauf pour Pierre Beaudoin, où elle désavoue les émoluments, sans être trop précise.

Plutôt que de statuer sur la justesse ou non de la rémunération finale, la Caisse insiste sur l'erreur initiale. Elle justifie son vote en disant que le conseil doit être plus en phase avec les parties prenantes (investisseurs, gouvernements, communautés, employés).

Dommage. Il aurait été intéressant de savoir si elle considérait les enveloppes finales adéquates ou non. Cela aurait donné des balises plus claires au conseil sur ses attentes pour l'an prochain, et aurait envoyé un message au public sur ce qui est raisonnable en termes de relativité salariale pour Bombardier. En l'absence de cet éclairage, il y a un risque que, de nouveau, quelques parties prenantes ne soient pas en phase avec le conseil l'an prochain (la communauté et les employés), et que tout le bruit reprenne.

On voterait personnellement contre la rémunération adoptée par le conseil, parce que l'on est en désaccord avec les émoluments versés à Pierre Beaudoin (voir plus bas) et parce que les conditions d'obtention des bonus sur 2020 ne sont pas claires.

Sur la hauteur de la rémunération des nouveaux dirigeants cependant, on a toujours eu de la difficulté à comprendre l'ampleur de la crise sociale et on comptait sur la Caisse pour nous aider à y voir plus clair.

Notre hésitation à condamner la hauteur des salaires tient à deux motifs:

1-Lorsque l'on est administrateur d'une société, qu'on la voit se diriger vers la faillite, et que l'on cherche de l'aide, il est normal de dire au meilleur talent que l'on croit avoir repéré:" viens m'aider et si tu réussis, sois assuré que tu seras bien payé".

2-Le conseil d'administration de Bombardier aurait pu choisir de moins récompenser ses dirigeants. L'argent économisé serait alors descendu dans les poches des actionnaires. Le public n'y aurait rien vu et il n'y aurait pas eu d'esclandre. Au final, la situation financière de Bombardier n'aurait été ni meilleure, ni pire. Mais les nouveaux hauts dirigeants auraient peut-être remarqué que les promesses d'hier n'étaient guère tenues, ce qui n'aurait peut-être pas été une très bonne décision pour l'avenir.

Signalons en outre que personne n'est encore parvenu à faire la démonstration d'une rémunération démesurée par rapport aux pairs de Bombardier. La firme de consultation Glass Lewis, qui recommande de voter contre la rémunération (en raison du manque de transparence dans sa détermination), reconnaît elle-même que le système de rémunération des dirigeants de Bombardier est bien aligné avec la performance et que les salaires versés demeurent relativement bas en comparaison avec les pairs.

Le conseil doit-il être amélioré et Pierre Beaudoin démissionner?

Le plus important de la lettre de la Caisse à Bombardier ne réside cependant pas dans la question salariale. Les doléances touchent surtout la famille Bombardier-Beaudoin.

"La composition, la gestion, et la direction du conseil d'administration doivent absolument s'améliorer afin que la société livre les résultats attendus de son plan et réalise son plein potentiel".

Il est vrai que le conseil pourrait être renforcé. Certains membres de la famille devraient être remplacés par des membres avec de plus hauts niveaux d'expertise et de meilleurs réseaux.

Faut-il pour autant que Pierre Beaudoin quitte le poste de président exécutif du conseil au profit d'un nouveau président indépendant?

Dans l'état actuel des choses, le départ semble inévitable.

Tout n'est pas noir, ni blanc, pour monsieur Beaudoin.

Il serait injuste de ne pas lui accorder un peu de mérite sur le redressement de la performance financière de 2016. Les marges se sont grandement améliorées, et, bien que beaucoup soit attribuable à la nouvelle direction, ces améliorations n'arrivent pas en claquant des doigts. Une partie de l'amélioration lui est attribuable.

Sans Pierre Beaudoin, il n'y aurait également probablement pas non plus de CSeries et l'avenir de la grappe aéronautique de Montréal et du Québec serait encore plus incertain qu'il ne l'est aujourd'hui. Il était un de ses ardents promoteurs, et, à l'époque, était aussi celui qui avait le plus d'expérience pour relayer les Paul Tellier et Laurent Beaudoin.

La difficulté est que monsieur Beaudoin est aussi imputable du fiasco financier des dernières années. Trop de projets en même temps, une mauvaise gestion des risques et de l'exécution.

Il aurait dû faire acte de contrition et ne pas accepter dès le départ le bonus 2016. Déjà qu'à 3,8 M$ sont salaire apparaît élevé à bon nombre.

La rupture du lien de confiance avec les actionnaires et le public est surtout ici. Dans sa rémunération à lui. La situation donne l'impression aux actionnaires que le conseil de Bombardier est un club d'amis, qui lui ont retourné l'ascenseur pour le remercier de leur propre rémunération et qui représente mal leur intérêt. Ce doute est fatal pour la poursuite des choses, Bombardier pouvant avoir besoin de se refinancer dans l'avenir.

Ses fautes passées ne lui avaient pas encore été remises. Et monsieur Beaudoin a été gourmand en acceptant initialement ce bonus. La gourmandise est un péché capital. La Caisse et le Fonds de solidarité ont raison de demander son retrait comme président. Il devrait cependant demeurer au conseil.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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