Bombardier: là où la critique a tort, et là où elle a raison

Publié le 02/03/2016 à 18:51

Bombardier: là où la critique a tort, et là où elle a raison

Publié le 02/03/2016 à 18:51

Faut-il pendre la famille Bombardier-Beaudoin, limoger le conseil d’administration, bloquer l’aide gouvernementale, ou exiger de nouvelles garanties?

La discussion va ces jours-ci tout azimut à propos de Bombardier. Voyons voir quelques unes des questions qui animent les échanges.

Les gouvernements doivent-ils venir en aide à Bombardier?

Réglons dès le départ une chose : Québec et Ottawa ont la capacité financière de faire l’injection financière demandée, et éventuellement de la perdre, sans réellement torpiller la couverture sociale.

Une fois la chose tranchée, il ne reste guère plus que le débat philosophique sur la présence de l’État dans l’économie.

Qu’arrivera-t-il si les injections financières dont a besoin Bombardier ne sont pas fournies?

C’est assurément la fin du programme CSeries. Un peu plus tard aussi, vraisemblablement, la fin des jets régionaux. Le CSeries est l’appareil qui peut permettre à Bombardier de demeurer concurrentielle dans les avions commerciaux. Sans lui, il est douteux que les régionaux aient encore beaucoup d’avenir. Ils deviennent âgés et ont besoin d’un plus gros porteur, qui coûte moins cher par passager, avec lequel être éventuellement jumelé dans l’offre aux grandes lignes aériennes. C’est de l’érosion de leur potentiel qu’est d’ailleurs né le projet de CSeries.

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L’absence d’un soutien gouvernemental aurait des conséquences beaucoup plus grandes que la perte des 2 200 emplois québécois actuellement attachés au CSeries. Les emplois liés aux jets commerciaux sont aussi en jeu (on n’a malheureusement pas de chiffres confirmés).

D’accord pour une discussion sur le rôle de l’État lors d’un projet de création de nouveaux emplois. Mais, dans le cas actuel, on voit mal comment le dommage économique et social pourrait être réparé. La main d’Adam Smith fonctionne peut-être dans un grand tout, mais dans des situations un peu plus restreintes, elle n’est pas qu’invisible, elle est absente.

La famille doit-elle perdre le contrôle et le conseil être remplacé?

Dans une société sans actions multivotantes, il y a longtemps que la famille aurait perdu le contrôle et que des changements auraient été apportés au conseil d’administration. Personne ne contestera la chose.

Ce qui est agaçant, c’est le ton sur lequel se fait souvent cette discussion.

La famille Bombardier-Beaudoin, dont certains réclament aujourd’hui la destitution, a été une bénédiction pour le Québec. D’un point de vue social, malgré les déboires actuels, elle a construit l’une des entreprises canadiennes les plus créatrices de valeur ajoutée de l’histoire du pays.

Il y a trois ou quatre ans, en assemblée annuelle, Laurent Beaudoin avait échappé qu’à quelques reprises ils avaient été approchés pour vendre. Chaque fois la famille avait dit non. Une offre d’Airbus ou de Boeing à une Bombardier non contrôlée, et c’en était fait. Il n’y aurait eu personne pour dire non. Bombardier valait trop cher pour que la Caisse ou même Investissement Québec puissent prendre une position de blocage.

Sans la famille, la grappe aéronautique du Québec ne serait pas ce qu’elle ait aujourd’hui. Nous serions nettement moins riches, collectivement.

Le ton de la discussion devrait en tenir compte.

Sur la question du contrôle en lui-même, maintenant.

Oui, la famille et le conseil d’administration ont commis d’importantes erreurs. Trop de projets de développement ont été mis de l’avant en même temps, avec des évaluations de risque de marché et de risque de dépassements de coûts mal soupesées.

Il y a cependant aujourd’hui une nouvelle équipe de direction, dont la compétence est reconnue. Même par la Caisse de dépôt, qui, indirectement, est un peu à l’origine de toute cette discussion.

Étant donné le consensus sur la force de l’équipe de direction actuelle, lier l’octroi du financement gouvernemental à toute une refonte du conseil et une perte de contrôle de la famille est de peu de pertinence. Cela ne contribuerait qu’à déstabiliser davantage la direction de l’entreprise.

L’État intervient-il de la bonne façon?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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