Bombardier: un placement génial?

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Janvier 2017

Bombardier: un placement génial?

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Édition du 14 Janvier 2017

Photo: Gettyimages

«Bombardier(Tor., BBD.B) est notre meilleure idée d'investissement pour 2017», disait le titre d'un récent commentaire de Financière Banque Nationale.

Le meilleur investissement tous secteurs et toutes sociétés confondus? Ou simplement le meilleur investissement du secteur aéronautique de l'analyste Cameron Doerksen, auteur de la note de recherche? Probablement la seconde option. Quand même, sur un horizon de 12 mois, M. Doerksen voit un potentiel d'appréciation de plus de 20%, comme en fait foi sa cible à 2,75 $.

L'idée nous est donc venue de creuser davantage. En poussant plus loin la réflexion et en nous interrogeant sur ce que pourrait valoir le titre en 2020. L'horizon est après tout celui qu'a en tête la direction de Bombardier pour l'atteinte de différentes cibles de rentabilité.

Analyse par questions/réponses.

Où en est actuellement Bombardier?

Elle revient de loin. En un an, les choses se sont cependant grandement améliorées. Pas tant en ce qui a trait aux revenus, mais beaucoup par rapport aux coûts. La direction prévoit que les revenus ne devraient augmenter que de 1 à 3 % en 2017, mais que son bénéfice avant intérêts et impôts (BAII) devrait bondir de 50 %.

L'amélioration en matière de coûts ne s'est pas faite sans déchirements sociaux. Environ 14 000 employés ont perdu leur gagne-pain en 2016. La société a notamment amélioré l'efficacité de ses usines en évitant les dédoublements de production. Elle a aussi diminué le nombre de ses fournisseurs de manière à donner plus de volume à ceux qui ont conservé leurs ententes en plus de partager avec eux une partie des économies d'approvisionnement obtenues.

Le risque de faillite est-il écarté?

Le risque le plus important et le plus discuté des derniers mois. Avec des obligations nettes envers ses créanciers qui représentent de 6 à 7 fois son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (les calculs diffèrent d'un analyste à l'autre), la société est très endettée.

Toutefois, elle a réussi, il y a quelques semaines, un important tour de magie. Près de 1,4 G$ US de dette devait venir à échéance en 2018 (mars et septembre). Le risque était que les résultats financiers ou les perspectives de l'industrie se détériorent et que l'entreprise ne soit pas capable de faire tourner cette dette. La conséquence aurait été un important refinancement par actions qui aurait dilué l'avoir des actionnaires ou, à défaut, la faillite de l'entreprise.

Contre toute attente, Bombardier a réussi à faire tourner prématurément ces 1,4 G$ US à la fin de l'automne. Ce qui fait que sa prochaine échéance de dette n'est qu'en 2019, et qu'elle a désormais nettement plus de temps pour améliorer sa situation. Certains analystes, comme Steve Hansen, de Raymond James, se demandent si Bombardier a réellement toujours besoin du financement fédéral.

Bombardier a-t-elle encore besoin de l'aide du gouvernement fédéral ?

Personnellement, on ne prendrait pas de chance et on tenterait quand même de l'obtenir. Les cycles sont difficiles à prévoir dans l'aéronautique et il vaut mieux être bien capitalisé avant le décrochage. Si Bombardier obtient 1 G$ US du fédéral, c'est 1 G$ US qu'elle n'aura pas à mettre de sa poche dans le déploiement du CSeries et qui pourra, si tout se passe bien, être ultimement réutilisé plus tard pour racheter la participation du fédéral. Si l'injection d'Ottawa se fait dans la société CSeries (avec Québec), elle ne devrait pas faire baisser l'action de Bombardier. Il y aurait dilution de la participation (et de la part dans les bénéfices) de l'entreprise, mais une dilution très faible, puisque le marché ne semble pas accorder beaucoup de valeur à la société CSeries.

Que voit Bombardier sur l'horizon 2020 ?

Une très nette amélioration de sa situation. Elle veut faire passer ses ventes globales de 16,5 G$ US en 2016 à plus de 25 G$ US en 2020. Elle ne donne pas de chiffres sur le bénéfice qu'elle a en vue, mais souhaite significativement augmenter ses marges bénéficiaires (BAII). Dans les avions d'affaires (jets privés), la marge passerait de 6,5 % (actuellement) à 8-10 %. Dans les avions commerciaux (jets régionaux, CSeries, etc.) elle passerait de - 17 % à un niveau «positif». Dans la division Transport, elle grimperait de 6,7 % à plus de 8 %. Et dans la division pièces et ingénierie, elle progresserait de 8 % à 9-11%.

Pour améliorer ses marges, le fleuron québécois compte obtenir d'autres gains d'efficacité, mais on comprend que celles-ci grimperaient surtout en raison d'une augmentation des ventes. Ces ventes seraient propulsées par des livraisons accrues de CSeries (90-120 livraisons par année, par rapport aux 30-35 prévues en 2017) et les nouveaux appareils Global 7000/8000 (dont le développement achève), de même que par des volumes plus grands de trains, métros et systèmes de signalisation.

Combien vaudra Bombardier si ces cibles sont atteintes ?

Les évaluations des analystes varient, puisque tous n'ont pas le même choix de multiples ou les mêmes méthodes de calcul. Desjardins voit un titre potentiellement à 5 $, CIBC, à 5,35 $, et Credit Suisse, entre 7,50 $ et 9,50 $.

Les cibles seront-elles atteintes ?

On est personnellement sceptique. Il lui faudra vraiment un nombre important de commandes de CSeries pour qu'elle soit capable de soutenir un rythme de production de 90 à 120 livraisons par année. Non seulement faut-il tripler le carnet, mais il faut aussi réussir à le faire en augmentant les prix. Les grandes commandes d'Air Canada et de Delta n'ont pas été conclues aux prix désirés. Le défi est très important.

Le plan de match postule par ailleurs que Bombardier Transport affichera une croissance des revenus de 6 % par année, ce qui est une très grosse commande. Fadi Chamoun, de BMO, fait remarquer que l'industrie du transport croît habituellement de 3,5 % par année. Ce qui veut dire que Bombardier devra voler des parts de marché à ses concurrents. Elle a apparemment une bonne technologie, mais les Chinois souhaitent prendre le monde d'assaut. Ce n'est pas bon signe en ce qui concerne les prix.

Que faire ?

BMO est plus prudente que les autres maisons et a un scénario de base qui voit le titre sous les 4 $ en 2020. Même ce prix semble élevé. Bien que les choses devraient continuer à s'améliorer, on ne mettrait surtout pas la maison sur Bombardier. Nous sommes toujours dans une situation spéculative à risque élevé.

Sur le radar: Bombardier (BBD.B, 2,41 $) 


Les recommandations des analystes (BBD.B, 2,41 $)

→ 10 acheter

11 conserver

1 vendre

Cours cible moyen: 2,40 $

Source : Bloomberg

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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