Air Canada : 7 $, 14 $ ou 22 $ ?

Offert par Les Affaires


Édition du 30 Janvier 2016

Air Canada : 7 $, 14 $ ou 22 $ ?

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Édition du 30 Janvier 2016

C'est un président qui reçoit en entrevue un candidat pour le poste de chef de la direction financière. Histoire de s'assurer de ses compétences, il le met à l'épreuve : «Combien font 2 + 2 ?». Et le candidat de répondre : «Combien voulez-vous que ça donne ?».

Ainsi va la vieille blague. Elle nous est revenue à l'esprit, il y a quelques jours, lorsque quelques rapports de recherche sur Air Canada (Tor., AC, 7,70 $) sont arrivés sur notre bureau.

L'exemple patent que la valeur d'un actif peut être défendue sur un très large spectre.

Cours cible de l'analyste Ben Cherniavsky, de Raymond James, sur le titre : 7 $.

Cours cible de l'analyste Cameron Doerksen, de Financière Banque Nationale : 13,50 $.

Cours cible de l'analyste Kevin Chiang, de Marchés mondiaux CIBC : 16,50 $.

Cours cible de l'analyste Tim James, de Valeurs mobilières TD : 22 $

Ces analystes sont crédibles et respectés par la communauté financière.

Qui a raison ? Voyons les arguments.

Un scénario pessimiste

Porteur du scénario pessimiste, M. Cherniavsky reconnaît que les bénéfices d'Air Canada ont beaucoup progressé au cours des trois derniers trimestres. Il attribue cependant cette situation essentiellement à la baisse du prix du pétrole. Cette chute a fait fondre la note de carburant et a gonflé les marges du transporteur.

Or, nous arrivons (si nous n'y sommes pas déjà) à un creux pétrolier. Ce qui veut dire que nous approchons aussi de la fin du catalyseur.

Comme si ce n'était pas assez, renchérissent les pessimistes, l'industrie aérienne augmente sa capacité. Celle d'Air Canada devrait grimper de plus de 9 % en 2016, tandis que celle de WestJet pourrait bondir de 8 à 11 %. Ce ne serait pas nécessairement une mauvaise chose dans un marché en croissance, mais les signaux émis par l'économie canadienne sont incertains, et il y a fort à parier qu'on se dirige vers une situation de surcapacité. Qui dit surcapacité dit fonte des prix. Et comme cette surcapacité s'explique par un ajout, il faut aussi dire hausse des coûts.

Dans un tel contexte, où le niveau actuel du bénéfice est menacé, pourquoi les multiples appliqués aux bénéfices augmenteraient-ils ? demande M. Cherniavsky.

Il est vrai qu'ils sont faibles, mais, lors des sommets cycliques, les titres de sociétés aériennes semblent toujours peu chers. Il est également vrai qu'ils sont plus faibles qu'aux États-Unis (Air Canada est à 3,2 fois le bénéfice avant intérêts, impôts, amortissement et location prévu pour 2015 alors que la moyenne des grands transporteurs américains est à 4,7 fois). Mais l'écart est justifié parce que les Américains n'ajouteront pas autant de capacité qu'au Canada en 2016, disent les pessimistes.

Le portrait n'est peut-être pas si sombre

Argumentaire trop sombre, répliqueront les tenants d'une plus forte évaluation.

Il ne s'agit pas de nier que le pétrole a été un solide contributeur à l'augmentation de la rentabilité, mais il n'y a pas eu que cela. Et il se pourrait même que sa contribution s'accentue en 2016.

Deux choses à prendre en considération en ce qui concerne l'augmentation projetée de capacité d'Air Canada.

1. Elle survient principalement grâce à l'utilisation de plus gros porteurs et le renouvellement de sa flotte. Ainsi, pour une capacité qui grimpera de 9 % en 2016, le nombre de départs ne sera en hausse que de 2,7 %, calcule Cameron Doerksen, de Financière Banque Nationale. Croître par densification n'ajoute pas autant de coûts qu'on pourrait le croire.

2. Surtout, le marché semble considérer que les transporteurs aériens ajouteront de la capacité, même si le contexte économique se détériore. Pourtant, rien ne les y oblige.

Côté évaluation pendant ce temps, dit l'analyste, le marché semble actuellement postuler que les revenus par siège-mille disponibles reculeront davantage qu'en 2009, la pire année de l'histoire dans le transport aérien. Néanmoins, rien n'indique qu'on se dirige vers un tel scénario catastrophe.

Verdict

Au final, la question en est une d'appréciation du risque et du potentiel, étant donné le niveau actuel d'évaluation du titre du transporteur aérien montréalais

M. Doerksen indique qu'historiquement, l'action d'Air Canada s'est négociée à un ratio de 4 à 5 fois le bénéfice avant intérêts, impôts, amortissement et location (BAIIAL).

Il se négocie actuellement à 3,1 fois le bénéfice prévu pour 2015.

Ne retenons pas ce repère. Il est teinté par un faible prix du carburant, à 0,63 $ CA le litre (même si le prix actuel, au début de 2016, est encore plus bas, à 0,44 $).

Prenons plutôt l'année 2014, alors que le prix du carburant était en moyenne de 0,90 $ CA le litre (avec un baril pendant 10 mois au-dessus des 80 $ US). Sur le bénéfice de cette année 2014, le titre est à 4,5 fois le BAIIAL. C'est-à-dire, en plein au milieu de la fourchette d'évaluation historique.

Comme le prix du carburant ne devrait pas remonter à un tel niveau et qu'Air Canada est dans une situation financière et concurrentielle plus solide qu'historiquement, quelque chose nous dit que le titre devrait valoir plus de 8 $.

À ce niveau, le risque de recul n'est pas absent, mais l'ampleur de ce recul semble limitée.

Il serait étonnant que le titre du transporteur double dans la prochaine année, mais il pourrait bien y avoir ici un rapport risque/rendement intéressant.

Les recommandations des analystes qui suivent le titre d'Air Canada (AC, 7,70 $)

1 Sous-performance

1 Conserver

5 Acheter

8 Surperformance

Cours cible : 16,75 $

Source : Bloomberg

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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