Pourquoi Donald Trump est affaibli

Publié le 09/11/2018 à 15:00

Pourquoi Donald Trump est affaibli

Publié le 09/11/2018 à 15:00

Le président américain Donald Trump [Photo: Getty Images]

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Contrairement à ce que vous avez pu lire ou entendre, l’issu des élections de mi-mandat aux États-Unis n’est pas un match nul, un résultat mi-figue mi-raisin ou le maintien du statu quo. Le président Donald Trump est affaibli et la probabilité qu’il soit réélu en 2020 a diminué.

«Les résultats n'ont pas été la «vague bleue» que les médias et les démocrates désiraient, mais ils sont globalement une défaite du parti républicain avec un avertissement pour 2020», affirme en éditorial le Wall Street Journal, le quotidien conservateur américain qui n’est pas vraiment un partisan du parti démocrate.

Il faut dire que la mathématique des résultats des élections du mardi 6 novembre et les tendances observées sur le terrain ne permettent guère d’autres conclusions que l’affaiblissement des républicains de Donald Trump.

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Les démocrates ont repris la Chambre des représentants, en plus de faire élire de nombreux gouverneurs dans des États républicains.

Il va sans dire que ces résultats auront des impacts sur la politique américaine, comme l’impossibilité de toute réforme conservatrice d’ici 2020, affirment les spécialistes de la politique américaine.

Par ailleurs, la victoire démocrate à la Chambre des représentants pourrait avoir un impact positif sur le Canada, estime Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

«Depuis l’élection de Donald Trump, les républicains ont tendance à être plus protectionnistes, alors que les démocrates ont tendance à être plus ouverts au commerce international», dit-il en entretien à Les Affaires.

Or, cette nouvelle donne est cruciale, alors qu’Ottawa et Washington pourraient avoir à préciser certains points dans le nouvel Accord États-Unis, Mexique, Canada (AEUMC), selon Michel Doucet

L’agence Reuters affirme qu’il aurait une mésentente entre les négociateurs américains et canadiens en ce qui a trait au texte préliminaire. Bref, le texte irait plus loin que ce qui avait été conclu de vive voix entre les deux parties.

Regardons maintenant en détail comment les résultats des élections de mi-mandat ont changé la donne politique chez nos voisins.

Principal constat : Donald Trump a désormais une opposition devant lui, car les républicains ne contrôlent plus les deux chambres du Congrès.

Ainsi, pour la première fois depuis 8 ans, les démocrates ont repris le contrôle de la Chambre des représentants, et ce grâce à des gains dans une trentaine de circonscriptions.

Ils contrôlent désormais 225 des 435 sièges– la majorité est à 218.

En revanche, les républicains ont toutefois conservé le contrôle du Sénat, avec 51 des 100 sièges.

Les démocrates ont aussi fait d’autres gains importants, mais au niveau des États. Ils ont fait élire sept nouveaux gouverneurs (l’équivalent des premiers ministres provinciaux) pour un total 23, rapporte le New York Times.

Les tendances socio-économiques à surveiller

Au-delà de la mécanique comptable des sièges gagnés par les démocrates (ou perdus par les républicains), il faut aussi regarder là où les démocrates ont fait des gains, car la géographie et le profil socio-économique comptent tout autant.

La plupart des victoires démocrates à la Chambre des représentants ont été réalisées dans des banlieues de villes comme Denver (Colorado), Dallas (Texas), Phoenix (Arizona) ou Oklahoma City (Oklahoma).

Or, les banlieues avaient fortement contribué à la victoire de Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016, à commencer par les banlieues républicaines comme Denver et Dallas.

Autre symbole fort s’il en est un : au Sénat, le candidat démocrate au Texas, Beto O’Rourke (une figure montante du parti démocrate), a presque ravi le poste de sénateur au républicain Ted Cruz, en récoltant 48% des voix.

Par ailleurs, les États où les sept nouveaux gouverneurs démocrates ont été élus sont tout aussi révélateurs, font remarquer les analystes.

Les démocrates ont pris le pouvoir à la tête d’États cruciaux pour les républicains dans la victoire de Donald Trump en 2016 comme le Michigan, l’Illinois, le Wisconsin, le Kansas et le Nevada.

En revanche, les républicains ont conservé la Floride et l’Ohio, deux États peuplés et cruciaux dans la perspective de l’élection présidentielle de 2020, souligne le quotidien français Le Figaro.

En route pour 2020

La vague bleue que les médias et les démocrates désiraient n’a pas eu lieu.

Le président Trump est affaibli, mais il n’a pas subi une défaite cuisante puisque les républicains ont conservé le contrôle du Sénat.

Cela dit, les plaques tectoniques sont en train de bouger aux États-Unis en prévision l’élection présidentielle de 2020, où Donald Trump tentera de se faire réélire dans une société américaine très polarisée.

Plusieurs statistiques sont révélatrices de ces changements.

Les banlieusards éduqués ont quitté le parti républicain. Les troupes de Trump ont toutefois consolidé leurs appuis dans les régions rurales des États-Unis, peu peuplées.

Par contre, la base électorale républicaine -des personnes blanches, plutôt âgées et relativement peu éduquées- est en train de s’éroder.

De plus, les républicains sont en train de perdre le vote des femmes, souligne Denis Lacorne, spécialiste de la politique américaine à Sciences Po à Paris, dans un entretien à 20Minutes.fr.

«L’écart entre le vote féminin et le vote masculin n’a jamais été aussi grand que lors de ces midterms. Il y a une différence de 20 points, et c’est en défaveur des républicains.»

Autre facteur favorable à terme pour les démocrates : 31 millions d’Américains de plus sont allés voter aux élections de mi-mandat du 6 novembre comparativement à celles de 2014.

Cela dit, les probabilités que Donald Trump se fasse réélire en 2020 sont encore élevées. L’élection présidentielle de 2016 a démontré que la plupart des analystes et des spécialistes l’avaient sous-estimé, sans parler des démocrates.

Par contre, le locataire de la Maison-Blanche sort affaibli des élections de mi-mandat, une situation qui compliquera sa réélection en 2020.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand