Nous surestimons l'impact des attentats de Paris

Publié le 16/11/2015 à 15:01

Nous surestimons l'impact des attentats de Paris

Publié le 16/11/2015 à 15:01

Un avion de chssse français Rafale (Source photo: Shutterstock)

ANALYSE DU RISQUE - Les attentats de Paris ont créé une onde de choc en Europe et dans le monde. La lutte contre l'État islamique s'accentuera, et les gouvernements renforceront les mesures de sécurité, sans parler d'une probable poussée de l'extrême droite en France et en Europe. Malgré tout, l'économie et la géopolitique mondiales ne seront pas chambardées.

Les terribles attentats à Paris - le dernier bilan fait état de 129 morts et de 352 blessés - ont donné lieu à un déferlement de reportages et d'analyses dans les médias. «Nous sommes en guerre», «Le monde a changé», «Nous ne serons plus jamais les mêmes»...

Voilà le genre de commentaires que l'on pouvait voir, lire ou entendre dans les heures et les jours qui ont suivi les attaques.

Pourtant, aussi dramatiques soient-ils, les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre auront peu d'impact sur l'économie et la finance en Europe et dans le monde, disent des analystes.

Voici pourquoi.

La France se relèvera de ces attaques, comme par le passé

La France est un pays qui, malheureusement, est habitué aux attentats terroristes sur son territoire (Guerre d'Algérie, guerre civile au Liban, guerre civile en Algérie, etc.), rappelle Camille Pecastaing, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université Johns Hopkins, dans une analyse publiée dans Foreign Affairs.

Aussi, les attentats de vendredi ne constituent pas un précédent, qui risque de nuire ou d'étouffer l'économie française.

De plus, l'onde de choc économique et financier n'a rien à voir avec les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui avaient paralysé momentanément les activités de la Bourse de New York, en plus de faire près de 3000 morts.

Rappelons aussi que Madrid a subi une attaque plus sanglante que celle de Paris, en 2004. Le 11 mars, des terroristes avaient fait exploser dix bombes dans quatre trains, un attentat qui avait fait 191 morts.

L'économie et la finance ne vont pas en pâtir

D'un point de vue strictement économique et financier, c'est business as usual.

Deux facteurs témoignent bien de la faible importance que les investisseurs accordent aux attentats de Paris.

D'une part, le prix du pétrole n'a pas explosé à l'ouverture de marchés ce lundi. Depuis la fermeture de vendredi, le West Texas Intermediate (WTI) a seulement pris un peu plus 1%, selon Bloomberg. Et rien ne garantit que cela soit lié aux attentats de Paris.

D'autre part, les Bourses nord-américaines montaient légèrement lundi à la mi-séance, tandis que les indices phares en Europe - le DAX et le FTSE100 - étaient aussi stables.

Bref, les marchés ne pensent pas qu'il y a péril en la demeure.

La Troisième Guerre mondiale ne vient pas de commencer

Les attentats de Paris accentueront les bombardements contre l'État islamique, qui contrôle une partie de la Syrie et de l'Irak.

Mais contrairement aux attentats du 11 septembre 2001, les attentats de Paris ne vont pas déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient - les attaques aux États-Unis avaient provoqué une intervention militaire en Afghanistan et en Irak.

La réplique de la France et de ses alliés a lieu sur un théâtre d'opération où ils sont déjà impliqués: la Syrie.

De plus, pratiquement tous les pays de la région (Turquie, Iran, Irak, Arabie saoudite, pays du Golfe persique), les pays occidentaux et la Russie souhaitent se débarrasser de l'EI, soulignent les spécialistes.

Certes, des dissensions existent entre ces pays sur le sort du régime alaouite de Bachar Al-Assad en Syrie (une branche du chiisme).

Les pays chiites (dont l'Iran et l'Irak) et la Russie veulent que le régime reste au pouvoir, tandis que les pays sunnites (dont l'Arabie saoudite et la Turquie) et l'Occident souhaitent à terme le départ d'Al-Assad, mais sans l'effondrement du gouvernement, car cela ne ferait qu'aggraver la guerre civile en Syrie.

Mais pour l'essentiel, l'État islamique est l'ennemi à abattre pour tous ces pays.

Montée de l'extrême droite en Europe

Depuis des années, les partis politiques d'extrême droite gagnent du terrain en Europe en raison de la crise des migrants, même en Allemagne.

Il va sans dire que les attentats de Paris pourraient favoriser le Front national de Marine Le Pen, en France, et d'autres partis européens xénophobes et «eurospectiques » (qui sont contre l'intégration économique et monétaire en Europe), estiment plusieurs politologues.

Voilà sans doute le plus grand risque géopolitique dans la foulée des attentats de Paris.

Risquons-nous d'assister au retour permanent des frontières entre les pays 26 des 28 pays de l'Union européenne membres de l'espace Schengen (un espace unique en matière de voyages internationaux et de contrôles frontaliers pour les voyages sans contrôle des frontières internes)?

Pour la quasi-totalité des spécialistes, la réponse est non.

Cela dit, la montée de l'extrême droite représente un risque pour la démocratie européenne, mais aussi pour les investisseurs à long terme.

Pourquoi?

Comme les partis d'extrême droite sont «eurospectiques», cela signifie qu'ils hostiles au libéralisme économique et au libre-échange.

La probabilité que des partis d'extrême droite prennent un jour le pouvoir en Europe est très mince, font remarquer les politologues.

Par contre, leur popularité croissante influence de plus en plus les politiques publiques en Europe.

Aussi, lorsqu'un parti d'extrême droite siège par exemple au sein d'un gouvernement de coalition en Europe, il n'est pas rare que le gouvernement propose des mesures protectionnistes défavorables aux investisseurs étrangers.

Mais à l'exception de ce risque géopolitique, les attentats de Paris ne devraient pas avoir d'impact majeur sur l'économie et la politique mondiales.

Même si «la France est en guerre», comme l'affirme le président français François Hollande.

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand