Mark Carney est devenu le cauchemar des producteurs d'énergies fossiles

Publié le 03/10/2015 à 08:25

Mark Carney est devenu le cauchemar des producteurs d'énergies fossiles

Publié le 03/10/2015 à 08:25

Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, le Canadien Mark Carney. (Photo: Bloomberg)

ANALYSE DU RISQUE - Les scientifiques le disent depuis longtemps, mais cette fois, c'est le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, qui l'affirme: la lutte aux changements climatiques risque de marginaliser les énergies fossiles. Ce qui pourrait selon lui entraîner des pertes «potentielles énormes» pour les investisseurs exposés à ce secteur.

L'ancien gouverneur de la Banque du Canada a fait cette déclaration lors d'un discours qu'il a prononcé mardi, à Londres, devant un parterre d'assureurs. Un discours qui a créé une onde de choc mondiale dans le secteur de la finance, sans parler des producteurs d'énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel).

Décrié par les uns, salué par les autres, l'appel de Mark Carney à une plus grande transparence à propos des risques financiers encourus par ceux qui investissent dans les énergies fossiles n'est pas passé inaperçu.

Irrité, le fondateur de Lambert Energy Advisory, Philip Lambert, s'est demandé comment on pouvait ainsi évoquer la possible marginalisation des énergies fossiles, alors qu'elles représentent aujourd'hui 85% de la production mondiale, que la demande énergétique augmente, et qu'il n'y a pas encore d'alternative suffisante au charbon et au pétrole.

Réaction tout à fait à l'opposé du côté de Stephanie Pfeifer, chef de la direction de l'Institutional Investors Group on Climate change (IIGCC), pour qui Mark Carney a tout à fait raison de soulever cet enjeu fondamental.

Car, selon elle, cela permettra aux investisseurs de faire une meilleure estimation des risques associés aux changements climatiques dans leurs portefeuilles.

Et à ceux qui affirment que ce n'est pas à Mark Carney d'évoquer les risques associés au climat, le Financial Times de Londres répond qu'il n'aurait pas assumé ses responsabilités en ignorant cette réalité.

«N'importe quel assureur qui ignorerait les dangers posés par les changements climatiques ne ferait pas son travail, et un gouverneur de banque central qui ne s'en inquiéterait pas négligerait le sien», écrit dans un éditorial la bible de la finance internationale.

Pourquoi les changements climatiques représentent-ils un risque pour les investisseurs? La logique est simple:

- la Terre se réchauffe graduellement depuis le début de l'ère industrielle

- l'humanité est responsable de ce réchauffement en raison de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par la combustion des énergies fossiles, affirment la plupart des scientifiques.

- comme les changements climatiques entraînent déjà et entraîneront des coûts socio-économiques majeurs pour les sociétés (inondations, tempêtes, destruction d'infrastructures et d'écosystèmes, etc.) il faut stopper le réchauffement de la planète.

- pour y arriver, il faut brûler moins d'énergies fossiles et utiliser davantage d'énergies renouvelables.

Résultat? Des réserves d'énergies fossiles ne pourront pas à terme être exploitées.

Voici quelques chiffres pour illustrer cette logique implacable.

80% des réserves d'énergies fossiles pourraient demeurer inexploitées

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand