Le terrain miné des investisseurs en 2016, selon Eurasia Group

Publié le 04/01/2016 à 13:11

Le terrain miné des investisseurs en 2016, selon Eurasia Group

Publié le 04/01/2016 à 13:11

(Photo: Shutterstock)

La faiblesse de la «Sainte Alliance» entre les États-Unis et l'Europe représente le principal risque des investisseurs en 2016, affirme Eurasia Group.

Dans son palmarès annuel qu'elle publie ce lundi, la firme spécialisée en risque géopolitique soutient que le partenariat transatlantique - l'alliance mondiale la plus importante - est affaibli et moins pertinent que jamais depuis près de 70 ans.

Une situation qui crée des tensions entre Américains et Européens, et qui nuit à la stabilité mondiale, déplorent Ian Bremmer et Cliff Kupchan, respectivement président et président du conseil d'administration d'Eurasia Group.

«Comme les chemins des États-Unis et de l'Europe divergent, il n'y aura plus de pompier international. Ce qui signifie que des conflits, en particulier au Moyen-Orient, continueront de faire rage», écrivent les deux analystes.

Neuf autres risques menacent les investisseurs dans le monde, selon Eurasia Group.

2 - La fermeture de l'Europe

En 2016, les divisions sociopolitiques sur le vieux continent entre «l'Europe ouverte» et «l'Europe fermée» atteindra un point critique.

Selon Ian Bremmer et Cliff Kupchan, les inégalités, les réfugiés, le terrorisme et la montée des populismes poseront un défi sans précédent aux principes fondateurs de l'Union européenne (UE).

«Les frontières de l'Europe seront sous pression, écrivent-ils. Le risque d'un Brixit (une sortie du Royaume-Uni de l'UE) est sous-estimé. L'économie de l'Europe tiendra le coup en 2016, mais pas son tissu social.»

3 - Le poids de la Chine

Jamais dans l'histoire un pays avec un niveau modeste de développement économique et politique n'a eu une empreinte globale de l'ampleur de la Chine, affirment les deux analystes.

«La reconnaissance en 2016 que la Chine est à la fois le pilote le plus important et le plus incertain d'une série d'enjeux mondiaux inquiétera davantage les autres acteurs internationaux qui ne sont pas prêts, ne comprennent pas ou sont en désaccord avec les priorités de la Chine.»

4 - L'État islamique

L'État islamique (EI) est la plus puissante organisation terroriste du monde, qui attire des disciples et fait des imitateurs du Nigeria aux Philippines. Or, la réponse internationale à sa montée est inadéquate, soutiennent Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

«En 2016, ce problème se révélera irréparable, et l'ÉI (et d'autres organisations terroristes) profitera de cette situation.»

Selon eux, les pays les plus vulnérables resteront ceux ayant des raisons explicites d'être des cibles de l'État islamique (la France, la Russie, la Turquie, l'Arabie saoudite et les États-Unis), et ceux ayant le plus grand nombre de musulmans sunnites qui ont de la difficulté à s'intégrer (l'Irak, le Liban, l'Égypte, et l'ensemble de l'Europe).

5 - L'Arabie saoudite

Cette année, le royaume saoudien sera confronté à un risque croissant de «discorde déstabilisatrice» au sein de la famille royale, selon Eurasia Group. Et son statut de pays de plus en plus isolé au Moyen-Orient conduira l'Arabie saoudite «à agir plus agressivement» dans la région.

«La menace de conflits au sein de la famille royale est à la hausse, et un scénario de conflit ouvert, inimaginable avant l'ascension du roi Salman en janvier 2015, est devenue aujourd'hui tout à fait réaliste», affirment Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

6 - La montée des technologues

Une variété d'acteurs non étatiques très influents du monde de la technologie ont fait leur entrée sur la scène politique, et ce, avec une affirmation de soi sans précédent.

Parmi eux, on retrouve des entreprises de la Silicon Valley, des groupes de pirates et des philanthropes retraités du secteur de la technologie.

Or, leur ascension ne se fera pas sans heurt, préviennent Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

«L'ascension politique de ces acteurs provoquera un recul des gouvernements et des citoyens, ce qui créera à la fois de la volatilité politique et de la volatilité au sein des marchés.»

7 - Les leaders imprévisibles

Un nombre important de dirigeants connus pour leurs comportements erratiques fera en sorte que la politique internationale sera «exceptionnellement volatile» en 2016, selon Eurasia Group.

On compte parmi ces leaders imprévisibles le président russe Vladimir Poutine, le président turc Recep Tayyip Erdogan, le prince héritier Mohammed bin Salman de l'Arabie saoudite et - dans une moindre mesure, mais important - le président ukrainien Petro Porochenko.

«Ces dirigeants imprévisibles figurent sur notre liste de risque en 2016 parce que leurs interventions se chevauchent et sont conflictuelles», précisent Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

8 - Le Brésil

La présidente Dilma Rousseff se bat pour sa survie politique, de sorte que la crise politique et économique qui secoue le pays est appelée à se détériorer en 2016, selon les deux analystes.

«Contrairement aux espoirs suscités auprès des experts et des nombreux acteurs des marchés, il est peu probable que la bataille pour la destitution de Rousseff mettre fin à l'impasse politique actuelle.»

Selon eux, si la présidente devait survivre politiquement à cette bataille, son gouvernement ne gagnerait pas «l'élan politique nécessaire» pour amorcer les réformes économiques nécessaires pour lutter contre le déficit budgétaire croissant au Brésil.

9 - Pas assez d'élections

En 2014-2015, les marchés émergents ont vécu un cycle historique d'élections nationales. Toutefois, cette année, les électeurs de ces pays auront peu d'occasions de faire entendre leur voix.

Comme la faible croissance économique et la stagnation du niveau de vie attisent le mécontentement populaire, la gouvernance et la stabilité vont en pâtir, selon Eurasia Group.

Historiquement, les marchés ont été moins volatils dans les années non électorales. Or, cette fois, ce sera différent, affirment Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

«En augmentant les attentes populaires, la croissance massive des revenus que la plupart des économies émergentes ont vécue depuis une décennie a créé les conditions pour un réveil brutal.»

10 - La Turquie

Après la victoire décisive de son parti AKP à la fin de 2015, le président Erdogan va maintenant tenter de remplacer le système parlementaire de la Turquie par un régime présidentiel.

Or, selon Eurasia Group, il est peu probable qu'il atteigne son objectif en 2016.

«Toutefois, sa campagne électorale agressive endommagera davantage le climat d'affaires et d'investissement en Turquie qui est déjà difficile», soulignent Ian Bremmer et Cliff Kupchan.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand