L'intransigeance de l'Allemagne envers la Grèce menace la zone euro

Publié le 04/07/2015 à 00:51

L'intransigeance de l'Allemagne envers la Grèce menace la zone euro

Publié le 04/07/2015 à 00:51

Le premier ministre grec Alexis Tsipras et la chancelière allemande Angela Merkel (source photo: Bloomberg)

ANALYSE DU RISQUE - La Grèce et la zone euro s'enfoncent dans une crise qui pourrait pourtant s'estomper si l'Allemagne mettait un peu d'eau dans son vin, affirment des analystes. Comment ? En acceptant que les créanciers annulent une partie de la dette grecque, comme l'Allemagne a pu en bénéficier en 1953, quand la moitié de sa dette a été effacée.

Oui, oui, vous avez bien lu: 50% de la dette allemande a été éliminée (en fait celle de la République fédérale d'Allemagne, RFA, ou l'Allemagne de l'Ouest), incluant celle du secteur privé.

À l'époque, les pays créanciers de la RFA - dont les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la ... Grèce - estimaient que cette annulation était vitale à la reconstruction de l'économie ouest-allemande après la Deuxième Guerre mondiale.

Aujourd'hui, le premier ministre grec Alexis Tsipras demande la même chose à la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays tire les ficelles dans cette crise opposant Athènes à ses créanciers, soit l'Union européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).

Ce vendredi, lors d'une allocution télévisée, Alexis Tsipras a réclamé l'annulation de 30% de la dette grecque, assortie d'une période de grâce de 20 ans pour assurer « la viabilité de la dette » de la Grèce.

Même le FMI - qui n'est pas vraiment le temple de la gauche - a déclaré jeudi que le pays a besoin d'une réduction de sa dette pour réussir à se sortir de cette crise et espérer relancer son économie.

Mais à Berlin, on continue de dire « Nein! ».

Une intransigeance de l'Allemagne qui est partagée par plusieurs autres pays européens, dont ceux d'Europe de l'Est, comme la Slovaquie.

Leur argument ? Les Grecs doivent assumer leurs responsabilités, et payer l'argent qu'ils doivent à leurs créanciers.

Question: les Allemands n'étaient-ils pas eux aussi responsables des dettes de guerre qu'ils avaient accumulées, sans parler de la souffrance que l'Allemagne nazie avait imposée à l'Europe ? Pourtant, on a supprimé la moitié de la dette allemande.

Certains pourraient rétorquer que le contexte est fort différent aujourd'hui.

En 1953, la guerre froide battait son plein, et Washington voulait éviter à tout prix que la jeune RFA - créée en 1949 - ne bascule dans la sphère soviétique si son économie n'arrivait pas à redécoller.

À l'époque, les États-Unis ont d'ailleurs dû mettre tout leur poids politique dans la balance pour convaincre les pays européens qu'il fallait alléger la dette de la RFA, malgré les atrocités commises par l'Allemagne nazie.

La Grèce d'aujourd'hui n'a bien entendu rien à voir avec le champ de ruines qu'était l'Allemagne de l'Ouest en 1953.

Ses infrastructures et ses villes ne sont pas détruites.

Mais on doit néanmoins aider la Grèce, dont la dette publique atteint environ 176% de son PIB (ce ratio est de 85% au Canada). Voici pourquoi.

Pourquoi on doit aider la Grèce comme on a aidé l'Allemagne en 1953

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand