Buy America: pourquoi l'industrie canadienne du transport terrestre pâtira

Publié le 07/12/2015 à 14:21

Buy America: pourquoi l'industrie canadienne du transport terrestre pâtira

Publié le 07/12/2015 à 14:21

Photo: Shutterstock

ANALYSE DU RISQUE – C'est maintenant officiel: les fabricants de matériels de transport au Canada devront se soumettre d'ici 2020 à des seuils de contenu américain plus élevés pour les projets de transport public aux États-Unis.

Les deux chambres du Congrès américain – le Sénat et la Chambre des représentants – ont récemment adopté le Senate DRIVE Act et le House STRRA Act renforçant le Buy America, une législation qui encadre le financement des projets de transport public aux États-Unis subventionnés par le gouvernement fédéral.

Et le président Barack Obama vient de sanctionner la nouvelle réglementation.

Bref, les règles du jeu vont changer.

La nouvelle loi fera passer de 60% à 70% le contenu américain d'ici 2020 pour tous les achats évalués à plus de 100 000 $US, pour lesquels le financement comprend des subventions du gouvernement fédéral.

Ce qui représente une hausse de 17% du contenu américain dans les projets de transport public aux États-Unis, et ce, des voitures de métro aux autobus en passant par les trains de banlieue.

L'atteinte du nouveau seuil de 70% sera progressive.

- 60% en 2016

- 60% en 2017

- 65% en 2018

- 65% en 2019

- 70% en 2020

Il va sans dire que l'effet de la hausse des seuils se fera sentir auprès de plusieurs fabricants canadiens en transport terrestre.

Pourquoi?

Parce que les Novabus et Bombardier Transport de ce monde devront réévaluer la contribution de leur chaîne d'approvisionnement au Canada quand leurs produits seront vendus aux États-Unis.

Comme les manufacturiers d'origine (OEM, comme on dit dans l'industrie) ont fait des investissements en fonction d'une exigence de contenu local de 60%, ils devront réévaluer leur liste de fournisseurs afin de s'assurer que ceux-ci puissent respecter le nouveau seuil de 70%.

À vrai dire, ce ne sont pas vraiment les grands donneurs d'ordres comme Bombardier Transport qui seront affectés, car ils sont présents dans plusieurs pays et ils ont l'habitude de gérer ces exigences de contenu local.

Selon les spécialistes, ce sont plutôt les fournisseurs qui risquent de passer à la caisse, car ils pourraient perdre des contrats auprès des manufacturiers d'origine.

La raison en est fort simple.

Les gros donneurs d'ordres ont de toute façon déjà des usines aux États-Unis, ce qui leur permet d'y accroître leur production pour respecter les exigences du nouveau Buy America.

Par exemple, Novabus exploite une usine à Plattsburgh, dans l'État de New York. Ses deux autres établissements de production sont toutefois situés au Québec, à Saint-François-du-Lac et à Saint-Eustache.

Bombardier Transport a quatre sites manufacturiers aux États-Unis (deux dans l'État de New York et deux en Pennsylvanie). Au Canada, l'entreprise à trois usines: une au Québec, à La Pocatière, et deux en Ontario, à Kingston et à Thunder Bay.

Selon des sources de l'industrie, le risque ultime est que certains fournisseurs canadiens qui ont par exemple une usine au pays décident de déménager leurs actifs de production aux États-Unis, où le marché du transport public est beaucoup plus vaste qu'au Canada.

D'autres entreprises pourraient décider de garder leur usine au Canada, mais d'investir dans la construction de nouvelles capacités de production aux États-Unis afin de continuer de croître en Amérique du Nord.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand