Et si Trump devenait président?

Publié le 27/02/2016 à 09:18

Et si Trump devenait président?

Publié le 27/02/2016 à 09:18

Source photo: Shutterstock

ANALYSE DU RISQUE - Cette possibilité était farfelue il y a encore quelques semaines. Aujourd'hui, elle semble plausible: une victoire du controversé Donald Trump dans la course à l'investiture républicaine, suivie par sa conquête de la Maison Blanche en novembre. Un risque géopolitique potentiel qui commence à inquiéter des investisseurs.

Pourquoi? Parce que le programme économique et les déclarations incendiaires du milliardaire contiennent des mesures protectionnistes qui ont le potentiel de nuire grandement à l'économie américaine et à celle de ses partenaires commerciaux comme le Canada.

Un risque qui tombe bien mal dans le contexte actuel: la Bourse vacille, l'économie chinoise ralentit, la chute du prix du pétrole fait mal aux pays producteurs comme le Canada, l'Europe stagne, et les grands pays émergents sont moins dynamiques, à l'exception de l'Inde.

Que propose Donald Trump? Il veut renégocier l'ALÉNA. Il veut imposer de nouveaux des tarifs douaniers sur les importations chinoises. Et il veut expulser tous les immigrants illégaux, soit environ 11 millions de personnes, souvent des travailleurs dans le secteur agricole et du commerce de détail.

Promesses en l'air? Stratégie pour gagner des appuis durant la course à l'investiture républicaine? C'est possible. En 2008, pendant la course à l'investiture démocrate, Barack Obama s'était engagé à renégocier l'ALÉNA. Or, il ne l'a pas fait une fois devenu président.

Ce qui fait dire à des observateurs qu'un Donald Trump président des États-Unis mettrait sans doute de l'eau dans son vin. Mais cela dépendrait bien entendu de qui, entre les républicains et les démocrates, aurait le contrôle du Congrès américain.

La campagne de Trump a le vent dans les voiles

Pourquoi évoquer ces scénarios aujourd'hui? Parce que la campagne de Donald Trump à l'investiture républicaine a le vent dans les voiles. Et que la probabilité qu'il gagne l'élection présidentielle en novembre est donc devenue plus grande.

À ce jour, le controversé milliardaire a remporté trois scrutins pour les primaires républicaines, soit le New Hampshire, la Caroline du Sud et le Nevada. Sa deuxième place en Iowa apparaît de plus en plus comme une erreur de parcours, aux yeux des analystes.

Et le «Super Tuesday» du 1er mars pourrait bien asseoir durablement l'avance de Donald Trump dans la course à l'investiture républicaine. Des primaires auront lieu dans 12 États: l'Alabama, l'Alaska, l'Arkansas, le Colorado, la Georgie, le Massachusetts, le Minnesota, l'Oklahoma, le Tennessee, le Texas, le Vermont et la Virginie.

Qu'arriverait-il s'il remportait haut la main la grande majorité de ces primaires? Eh bien l'establishment du parti républicain - à son grand désarroi - devrait le reconnaître comme le candidat officiel du parti.

Il affronterait alors le champion des démocrates - sans doute Hillary Clinton, quoique Bernie Sanders pourrait créer une surprise en doublant l'ancienne première dame.

Donald Trump pourrait aussi affronter un deuxième candidat - en l'occurrence indépendant - en Michael Bloomberg. L'ex-maire de New York et fondateur de l'agence financière Bloomberg laisse entendre qu'il pourrait se présenter à l'élection présidentielle.

Ses chances seraient plutôt minces de battre Donald Trump, car aucun candidat indépendant n'a jamais remporté la course à la Maison Blanche dans l'histoire des États-Unis.

Les règles de l'alternance favorisent Trump

Advenant qu'elle gagne la course à l'investiture démocrate, Hillary Clinton peut-elle battre l'excentrique millionnaire? C'est possible. Par contre, les règles de l'alternance politique aux États-Unis jouent contre elle, car le président sortant Barack Obama est un démocrate.

Or, depuis un siècle, un parti n'a gardé le pouvoir à la Maison Blanche plus de deux mandats qu'à trois reprises seulement:

- les républicains, de 1921 à 1933 (Harding, Coolidge, Hoover)

- les démocrates, de 1933 à 1953 (Roosevelt, Truman)

- les républicains, de 1981 à 1993 (Reagan, Bush père)

Par conséquent, selon cette règle de l'alternance, il est plus probable que le prochain président des États-Unis soit un républicain. Mais la candidature de Donald Trump détonne avec celle des candidats républicains classiques.

Pour qu'il puisse devenir président des États-Unis, il faut qu'il y ait une alternance politique. Et pour cela, des électeurs démocrates doivent nécessairement voter pour Donald Trump. Est-ce possible, étant donné ses positions radicales?

Pour aller chercher ces votes, il devrait nécessairement adoucir ses positions ou développer un discours populiste de gauche, en dénonçant par exemple la mondialisation.

Ce qu'il fait déjà du reste en partie en proposant par exemple de taxer davantage les importations chinoises, afin de protéger les emplois manufacturiers - et souvent syndiqués - aux États-Unis.

Finalement, la tâche pourrait lui être moins difficile qu'on ne le pense. Et si, tout compte fait, Donald Trump devenait président des États-Unis?

 

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand