La hiérarchie de l'Internet

Publié le 01/12/2017 à 12:38

La hiérarchie de l'Internet

Publié le 01/12/2017 à 12:38

L’économie numérique n’est pas une économie comme les autres. On retrouve, dans son histoire et dans son fonctionnement, des clés de lecture quant à son développement futur. Car l’économie numérique n’est pas seulement une nouvelle industrie. C’est, en fait, une nouvelle forme d’économie.

Dans cette économie, sur le fond, comme sur la forme, trois choses sont absolument essentielles : le hardware (les infrastructures), le software (les mécanismes), et le orgware (le réseau).

On a, pendant longtemps, réfléchit la problématique du développement économique strictement en termes d’infrastructures – le hardware – : nous avons, au Québec, construit des routes, des ports, des aéroports, une cimenterie(!), privatisé la production hydro-électrique et la distribution d’alcool, administré la forêt publique et les mines... et souhaité que cela se transforme en richesse. Si cette approche a porté ses fruits dans de nombreux pays occidentaux depuis la première révolution industrielle, il semble évident qu’aujourd’hui, elle ne suffit plus. 

D’ailleurs, la principale infrastructure qui soit absolument cruciale pour le développement d’une économie du XXIe siècle –soit l’internet à très haut débit- manque cruellement à de nombreuses régions du monde, et du Québec en particulier.

Or, même dans les régions qui sont dotées de ce premier niveau de base, cela n’est pas suffisant – il faut en ajouter un second : le software. Dans une économie de la connaissance, la capacité d’organiser des idées, de structurer des processus de développement, des routines d’accompagnement, et ce de manière rapide et efficace, est absolument nécessaire.

Transformation numérique

Qu’on pense aux dispositifs d’aide à l’exportation, aux crédits et mécanismes de soutien à l’innovation, ou à la croissance rapide du capital de risque au sein des principaux marchés canadiens, ce virage est en cours, et s’accélère. Mais l’omniprésence de multinationales étrangères sur nos marchés (et dans certains cas, leur domination sur certains segments), nous oblige à raffiner et à accroître l’impact de ce « logiciel » institutionnel.

Pour que la métaphore du réseau comme analogie du développement économique tienne la route, toutefois, il reste à organiser une nouvelle couche qu’on pourrait baptiser l’orgware. Cette notion réfère à l’organisation du développement économique et de ses principaux acteurs. L’économie numérique réussit lorsqu’elle fonctionne en profitant pleinement du réseau; en agissant de manière coordonnée et cohérente, et lorsque tous les acteurs de la toile se mobilisent, de la société civile, aux entreprises, aux gouvernements, aux institutions publiques et parapubliques.

Nous avons la chance, au Canada, de vivre dans une démocratie libérale qui démultiplie les efforts en termes d’infrastructure et de connaissances. Malheureusement, ces efforts ne sont pas toujours alignés : entre les différents niveaux politiques, entre les régions, voire même au sein d’une même région, notre orgware mériterait qu’on y investisse davantage de temps, d’argent et d’énergie.

Cette ré-hiérarchisation de l’activité sous forme d’un réseau n’est pas facile, mais elle est cruciale. Aujourd’hui, nous assistons à un morcellement important de ces activités, qui vient assurément nuire à la croissance des leaders de l’économie du XXIe siècle. Beaucoup de travail est fait en silo. Les considérations politiques prennent les devants sur l’ambition commune.

Le réseau, évidemment, n’attends personne pour se mettre en place. Il existe déjà de nombreux projets de mise en relation qui se complètent, ou rivalisent à leur tour. Car ce constat fait du chemin dans les esprits, tantôt à Montréal, tantôt pour l’ensemble du Québec. Des initiatives comme Technopolys, ou La Main, en font partie. Une trentaine de signataires, dont j’ai fait partie, a également déposé, lors du dernier Forum des Idées, à Ste-Hyacinthe, un mémoire proposant la création d’un réseau régional de hubs innovants. Des forums comme ceux de l’UMQ servent aussi à favoriser les rapprochements et à organiser le réseau, malgré la distance qui sépare certaines des municipalités les plus dynamiques. 

Nous avons depuis plus de 70 ans investi massivement dans les infrastructures, le hardware. Nous avons développé un réseau d’institutions d’aide à la création d’entreprises de tout acabit, incluant l’économie sociale, le software. Reste maintenant à travailler sur la mise en réseau de ces dispositifs, et donc à établir une dynamique d’orgware à la hauteur de nos aspirations collectives et de notre créativité.

C’est une tâche herculéenne, et très complexe, à laquelle nous avons tous et toutes la responsabilité de nous attaquer, le plus rapidement possible.

 

À propos de ce blogue

Associé, Groupe SAGE Consulting, Francis Gosselin est docteur en économie et expert en formation exécutive. Il a enseigné et animé des séminaires en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Son sujet : l’économie de l’innovation. Dans ce blogue, il raconte comment les technologies numériques façonnent et transforment nos organisations et leurs dirigeants.

Francis Gosselin