Transfert d'entreprise: jamais sans mes conseillers

Publié le 16/03/2017 à 15:22

Transfert d'entreprise: jamais sans mes conseillers

Publié le 16/03/2017 à 15:22

Plusieurs cédants et repreneurs se sont livrés en toute franchise lors de la Conférence Transfert d’entreprise, présentée par Les Événements Les Affaires le 14 mars dernier à Montréal. Un constat a dominé les échanges : l’importance de se faire accompagner par des spécialistes et de tenir compte de l’aspect humain.

Comment choisir lequel de ses fils deviendrait pdg ? C’est le dilemme que Fernand Dufresne a dû résoudre. Le cédant de Preverco a fait appel à quatre consultants pour l’aider à trancher.  

Pour partager son expérience, il a fait une analogie sportive : « Si vous avez dans votre équipe Mario Lemieux et Patrick Roy, vous avez deux bons joueurs. Mais si vous mettez Patrick Roy à l’avant et Mario Lemieux dans les buts, les résultats ne seront pas là. »

Les consultants dont il a retenu les services étaient unanimes : c’est son fils Jean-François qui avait l’étoffe d’un président. Celui-ci est à la tête de l’entreprise de fabrication de planchers de bois franc depuis l’an dernier.

La table ronde à laquelle M. Dufresne participait était animée par Vincent Lecorne, président-directeur général du Centre de transfert d’entreprise du Québec. Cet organisme fondé il y a deux ans dispose d’un répertoire de 3200 repreneurs potentiels et de 300 entrepreneurs qui cherchent à transférer leur entreprise.

À chacun ses défis

Il n’est pas toujours évident de faire accepter un changement de garde par les employés. Mais pour Groupe Serca, la transition a été facile. « Mon fils Frédéric travaille dans l’entreprise depuis qu’il a 13 ans et il n’a jamais eu de passe-droit, a dit Gérard Farmer, fondateur de l’entreprise d’équipement d’entretien de planchers. Il a fait presque tous les postes et il est maintenant directeur général. »

Malgré cette passation des pouvoirs naturelle, Gérard Farmer a trouvé difficile de se détacher des opérations. Il continue à venir quelques heures par jour au bureau pour « faire ce que les autres n’ont pas le temps de faire, comme parler au ministère du Revenu.».

Pour Stéfan Baumans, l’étape la plus délicate a été de préserver la confiance d’un gros client qui générait 60 % du chiffre d’affaires. En 2008, cet avocat s’est associé avec des collègues pour acquérir leur employeur, une entreprise de sous-traitance manufacturière. Il a depuis vendu ses actions à ses associés.

« L’entreprise appartenait à des institutions et passait entre les mains de particuliers, dit l’ancien président. Il y avait un danger que ça inquiète son client principal. Il fallait lui vendre l’idée avant de faire la transaction. J’ai réussi à lui insuffler confiance, mais je réalise après coup que j’ai joué avec le feu. Je ne connaissais pas assez son secteur pour bien évaluer ses craintes. Si c’était à refaire, je me ferais accompagner. »   

transformation du travail

Tout se dire

Karine Pomerleau, directrice générale du fabricant de tisanes et de thés Transherbe, et Stéphane Lozeau Simard, vice-président principal, exploitation, recherche et développement chez le spécialiste de la photo Lozeau, sont tous deux en processus de prendre la relève de leur entreprise familiale respective.

Ils ont souligné la nécessité pour les repreneurs d’être patients. Mme Pomerleau épaule sa mère, la fondatrice, depuis 21 ans. M. Lozeau Simard jouait dans le magasin, enfant. « Une relève familiale, c’est très émotif, a dit la future pdg de Transherbe. Il faut accepter de ne pas aller à la même vitesse que le cédant. »

« C’est dur de dire à ses parents pour qui l’entreprise est toute leur vie qu’il faut maintenant prendre une décision, a constaté M. Lozeau Simard. Les jeunes ont le vouloir, mais les cédants ont le pouvoir. Les consultants nous aident dans tout ça. »

« Notre approche donne la priorité à l’aspect humain, a souligné Alain Tremblay, associé et intégrateur en transfert d’entreprise chez Raymond Chabot Grant Thornton, qui accompagne les deux familles. La communication doit être transparente entre cédants et repreneurs. Ceux-ci doivent se dire ce qu’ils pensent vraiment même si c’est difficile. »  

Certains cédants pensent être prêts à passer le flambeau, mais ils réalisent en cours de processus que ce n’est pas le cas. « C’est normal de vivre un deuil d’entrepreneur et d’avoir les pieds sur les freins, a poursuivi M. Tremblay. Mais le défi c’est alors de gérer les attentes qu’on a créées envers sa relève. » 

Se financer malgré des actifs intangibles

En 2013, Pat Logan avait cinq semaines pour trouver du financement pour acquérir Pieux Vistech. Pas question de manquer la saison forte ! Il s’est tourné vers Desjardins Entreprises avec laquelle il faisait déjà affaire pour Groupe Logan, son entreprise de transport par camion.

Le transfert à un repreneur externe pose toujours plus de risques de perdre des clients, des fournisseurs et des employés-clés, ont signalé Jean-François Dion et Marco Poulin, respectivement vice-président associé Dette subordonnée et directeur de comptes chez Desjardins Entreprises. En outre, Pieux Vistech, qui est un franchiseur, avait peu d’actifs tangibles à part ses stocks. Son actif, c’était son « know-how ».

« Auparavant, il aurait fallu beaucoup d’équité pour faire une transaction pareille », a dit M. Poulin. Mais compétition oblige, les investisseurs se montrent plus souples. « La période est propice aux transferts d’entreprise. Les taux d’intérêt sont bas et il y a beaucoup d’argent sur le marché. » 

Et il faut dire que Pat Logan avait un bon dossier. En plus d’avoir déjà une entreprise prospère, il a produit un plan d’affaires solide et il a de bons conseillers autour de lui, notamment un comptable de Deloitte. « C’est quelqu’un qui sait bien s’entourer et ça, c’est rassurant pour un prêteur, a insisté M. Dion. Au contraire, lorsqu’un repreneur veut tout gérer lui-même, c’est un drapeau rouge pour nous. »

Pieux Vistech avait un bon historique au chapitre de la rentabilité puisqu’elle maintenait ses marges depuis plusieurs années. « Si vous cherchez du financement sur de l’intangible, achetez une entreprise qui a une performance financière stable, a lancé M. Poulin. Ce sera plus facile ! »

Pour plus d'information, ne manquez pas notre conférence Transformation du travail le 20 mars 2018!