La face cachée — et polluante — de la transition énergétique

Publié le 28/11/2018 à 13:58

La face cachée — et polluante — de la transition énergétique

Publié le 28/11/2018 à 13:58

Les métaux rares entrent dans la fabrication des batteries des véhicules électriques, des éoliennes, des panneaux solaires, des cellulaires, des ordinateurs, des objets connectés… Or, notre dépendance à ces métaux a un coût environnemental élevé. Le journaliste et réalisateur français Guillaume Pitron fera le tour du sujet lors du webinaire La guerre des métaux rares — La face cachée de la transition énergétique et numérique, présenté gratuitement par les Événements Les Affaires le 4 décembre prochain. M. Pitron est l’auteur du livre du même nom. Entrevue.

À l’heure où il y a urgence d’agir, vous jetez un pavé dans la mare. Le remède est-il pire que le problème ?

Guillaume Pitron : Je ne sais pas s’il est pire. Ce que je sais, c’est que les technologies vertes ne sont pas vertes. Elles polluent, parce qu’elles contiennent des métaux rares dont l’extraction et le raffinage sont réalisés dans des conditions désastreuses pour l’environnement, notamment en Chine. De plus, leur fabrication génère des gaz à effet de serre (GES). Même chose pour les technologies numériques. Aujourd’hui, l’activité numérique mondiale produit deux fois plus de GES que l’ensemble du secteur aérien civil. L’impact écologique est considérable.

Que sont les métaux rares ?

G.P. : Les métaux rares ne sont pas si rares. On les appelle ainsi parce qu’ils sont plus rares que les métaux de base, comme le fer, le cuivre ou le zinc. Des métaux rares — cobalt, tungstène, lithium, terres rares, graphite, béryllium, etc. — il y en a un peu partout sur la planète en petites quantités. Les pays occidentaux en ont déjà produit, mais ils ont presque cessé parce que c’était trop sale. C’est le cas de l’entreprise Rhône-Poulenc (aujourd’hui Solvay) en France. À partir des années 1980, des pays moins développés, principalement la Chine, se sont mis à exploiter les métaux rares et à les fournir aux pays qui ne voulaient pas se salir les mains. Aujourd’hui, la Chine a le monopole de plusieurs de ces métaux. Par exemple, elle produit 95 % des terres rares. Les pays occidentaux ont laissé partir une industrie stratégique et sont à la merci de la Chine pour s’approvisionner. En outre, l’exploitation des métaux rares en Chine a entraîné des désastres colossaux pour l’environnement. Par exemple, l’eau nécessaire au raffinage est déversée dans la nature. Je l’ai vu de mes yeux.

webinaire objectif Nord

La Chine est maintenant plus sensible à l’environnement, non ?

G.P. : Elle fait des efforts considérables, oui. Il y a des progrès. Mais elle part de tellement loin qu’il faudra encore des années avant que l’impact environnemental de l’industrie minière diminue. La transition énergétique dépend des métaux rares. Est-ce qu’on fait fausse route ? G.P. : Dans les grandes villes très peuplées, où la pollution de l’air est importante, les véhicules électriques peuvent avoir du sens. En revanche, ils sont présentés comme propres alors qu’ils ne le sont pas. Leur fabrication est plus polluante que celle d’une voiture à essence. Et il y a la recharge. Le Québec a l’hydroélectricité, donc l’impact global est peut-être positif. Or, dans la plupart des pays du monde, l’électricité est produite avec du charbon. La voiture électrique s’avère donc aussi polluante, sinon plus, que celle à essence.

Quelle serait la solution alors ?

G.P. : Il faut faire mieux avec moins. La vraie transition énergétique, elle est là. Actuellement, la croissance de la consommation d’une ribambelle de métaux, rares ou non, se situe dans les deux chiffres. On ne peut plus continuer comme ça. Il faut optimiser l’utilisation des ressources. Il faut plus d’écoconception, plus de recyclage, moins d’obsolescence programmée. Les consommateurs doivent prendre conscience de l’impact de l’usage des technologies sur l’environnement et les ressources naturelles. Il ne s’agit pas de jeter son téléphone cellulaire, mais de faire preuve d’une sobriété numérique.

Une exploitation verte des métaux rares est-elle possible ?

G.P. : Ce ne sera jamais vert. Mais l’exploitation minière peut se faire de façon responsable. Je propose que les pays respectueux de l’environnement comblent eux-mêmes leurs besoins en métaux. Si j’ouvre des mines en France ou au Canada, le procédé minier sera plus propre qu’en Chine ou au Congo. Le coût environnemental sera moins élevé.

À propos de ce blogue

En coulisses est le blogue des Événements Les Affaires. Nous vous proposons un accès privilégié aux meilleures pratiques de la communauté d’affaires québécoises qui sont partagées lors de nos conférences. Chaque semaine, nous discutons avec certains des gestionnaires qui ont accepté d’être conférenciers à nos événements, afin de vous présenter des idées concrètes pour vous aider dans votre réflexion et répondre à vos préoccupations d'affaires.