Gestion de la performance: la coopération l'emporte sur la compétition

Publié le 19/03/2018 à 14:35

Gestion de la performance: la coopération l'emporte sur la compétition

Publié le 19/03/2018 à 14:35

Ensemble, nous sommes forts ! Les entreprises prônent le travail d’équipe. Mais plusieurs continuent d’évaluer et de récompenser uniquement la performance individuelle. Qu’arrive-t-il quand on favorise aussi une gestion de la performance collective ? Des chercheurs suisses se sont penchés sur la question.

Dans un établissement médicosocial de Genève (l’équivalent de nos CHSLD), des employés de la buanderie ont demandé une formation pour utiliser une machine à nettoyer les planchers. Ils estimaient que leur espace de travail serait plus propre si toute l’équipe savait s’en servir plutôt qu’une seule personne, comme c’était alors le cas. Une requête qui n’aurait sans doute pas eu lieu avant l’instauration d’un système de gestion de la performance collective, développée par l’équipe du professeur en management des ressources humaines François Gonin, de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud.

« La gestion de la performance collective améliore l’entraide, la cohésion, le partage d’information et donc la qualité de la prestation », soutient celui qui sera à Montréal le 29 mai pour prononcer l’allocution spéciale de la conférence Gestion et évaluation de la performance, présentée par les Événements Les Affaires.

À l’inverse, tout miser sur la performance individuelle a souvent pour effet de plomber les résultats de l’équipe. François Gonin donne l’exemple de deux banques suisses qui ont vu l’engagement des employés diminuer après leur fusion il y a quelques années.

« La direction a voulu motiver les gens en ajoutant un boni trimestriel au boni annuel basé sur la performance individuelle. Résultat ? La performance collective a diminué. Ce nouveau boni a tellement exacerbé la compétition entre les employés que ces derniers ne partageaient presque plus l’information. » 

Une mission commune

Dans le centre d’hébergement où le professeur Gonin et ses collègues sont intervenus, des formations et des séances d’information ont eu lieu pour recentrer le personnel sur la mission et les valeurs de l’organisation ainsi que sur les compétences métier. Quant au système de gestion de la performance collective, il comprend une évaluation de chaque équipe par son gestionnaire et une séance d’auto-évaluation de l’équipe.

Pour ce deuxième volet, l’animateur de la séance est issu de l’équipe et formé pour ce rôle. Au programme : bilan de la période écoulée, satisfaction de l’équipe sur sa dynamique et sur l’encadrement qu’on lui procure, détermination des objectifs futurs et des besoins en formation, aspects à améliorer, etc. Lors des premières auto-évaluations menées en 2017, les 175 employés ont suggéré 263 améliorations !

Gestion et évaluaiton de la performance

« Ça allait de la poignée d’aspirateur qu’il faudrait remplacer à des propositions touchant l’organisation du travail, expose François Gonin. Par exemple, les employés qui servent les repas ont demandé d’être impliqués dans les discussions autour de la prise en charge des résidents. Ils souhaitaient mieux interagir avec eux. C’est un exemple parfait d’amélioration de la qualité de la prestation ! »

La gestion de la performance collective fait « sauter les silos », souligne l’universitaire suisse. « Lors des auto-évaluations, plusieurs problématiques ont émergé concernant la collaboration interdisciplinaire. Nous les avons fait remonter afin de développer des projets transversaux qui profiteront à tous. »

La direction du centre d’hébergement s’est engagée à répondre à toutes les propositions. Toutefois, les choses ne vont pas assez vite aux yeux de certains. « Le risque d’une telle démarche, c’est qu’elle crée des attentes chez les collaborateurs, reconnaît François Gonin. Mais vaut-il mieux les laisser ronchonner dans leur coin ou appliquer leurs bonnes idées, même si ça prend un peu de temps ? » Poser la question, c’est y répondre.

Même si elle est encore en rodage, cette nouvelle approche porte déjà ses fruits. « Comme tous se concentrent sur la raison d’être de l’organisation, c’est bénéfique pour les résidents, remarque le conférencier. Et puis, les employés se sentent valorisés et libres de s’exprimer. »

Cette libération de la parole a cependant des effets inattendus. Par exemple, un employé de l’entretien a dénoncé le comportement inapproprié d’un soignant avec les résidents. « Ce sont des employés peu qualifiés qui toujours se sont tus, constate François Gonin. Et maintenant, ils se sentent concernés par la qualité de la prestation. »