La course aux rendements soulève la Bourse

Publié le 14/10/2017 à 09:42

La course aux rendements soulève la Bourse

Publié le 14/10/2017 à 09:42

Il y a une raison pour laquelle le dernier trimestre de l’année est historiquement le plus généreux en moyenne, en Bourse.

Lorsque la Bourse s’apprécie, les sceptiques ou les pessimistes qu’elle a déjoués achètent des actions pour reprendre leur retard sur les indices et embellir les rendements annuels sur lesquels ils seront jugés, en misant sur les gagnants de l’année.

La tentation sera d’autant plus forte que le gestionnaire d’actions moyen et même les fonds de couverture ne surpassent pas les marchés, indique Nikolas Panigirtzoglou, un analyste en répartition d’actif de J.P. Morgan.

L’effet de calendrier

En même temps, l’automne est aussi le moment où les financiers se projettent non seulement vers l’année qui vient, mais aussi sur la suivante.

Plusieurs analystes ont d’ailleurs amorcé le rituel d’arrimer leurs nouveaux cours cibles aux premières estimations de bénéfices pour 2019.

C’est la nature de la bête et elle bat son plein actuellement, et ce, un peu partout dans le monde.

Et pour cause. Quelque 85% des 95 indices colligés par Bloomberg sont à la hausse cette année: les marchés émergents ont grimpé de 31%, l’indice des marchés mondiaux sans les États-Unis de 19%, les marchés développés de 16%, l’Europe de 23% (en dollars américains) et le S&P 500 de 14%.

Un quart des indices mondiaux trônent à un record historique ou y sont à 2% près, indique l’agence Bloomberg.

Une hausse ininterrompue qui déconcerte

Les gains ininterrompus en dérangent plusieurs qui craignent soit un solide mouvement de repli ou prévoient au minimum une période de consolidation pour les actions.

Même le président de la Réserve fédérale de Boston Eric Rosengren a dit en ondes, le 12 octobre, que les actions américaines étaient «pleinement évaluées», ce qui n’est pas sans rappeler la célèbre déclaration d’Alan Greenspan en 1996 concernant «l’exubérance irrationnelle» des investisseurs, quatre ans avant le sommet multiple de la bulle techno de 2000.

Michael Harnett, de Bank of America Merrill Lynch, note que deux indicateurs pourraient bientôt déclencher un signal de vente à court terme: si l’encaisse en portefeuille des pros tombait de l’actuel 4,8 à 4,4%, en même temps que l’afflux hebdomadaire de capitaux dans les fonds d’actions et d’obligations à rendement élevé doublait de 5 à 10 milliards de dollars américains.

Larry Fink, le président du plus gros gestionnaire au monde, BlackRock, a répété que les «risques systémiques» sont plus élevés que l’indice de volatilité anémique ne le suggère.

Le financier a même évoqué l’exemple la démission de Richard Nixon en 1974, en tant que choc externe, lors d’un panel à l’assemblée annuelle du Institute of International Finance, à Washington.

MAMU et FOMO

Or justement, à force d’attendre une correction qui ne vient pas, les pros se ravisent et rachètent de peur de manquer des rendements, dans un mouvement de réflexe baptisé fear of missing out ou FOMO dans le jargon de Wall Street.

Même s’il croit encore au scénario nirvana de croissance synchronisée de l’économie et des profits, l’économiste Ed Yardeni augmente, pour une troisième fois depuis mars, de 50 à 55% les probabilités du scénario de melt-up (MAMO ou Mother of all Meltup), soit une montée empreinte d’euphorie.

Cette fois, il hausse ce pourcentage parce que les cours progressent plus vite que le rythme des prévisions de bénéfices, ces dernières semaines.

«L’ennui avec les melt-up, dit-il, c’est qu’ils sont invariablement suivis de melt-down, soit une bonne dégelée des cours comme celle du krach d’octobre 1987 qui s'avère une occasion d’achat ou un mouvement baissier plus durable qui mine le moral et précipite une récession», explique le financier.

Par la force des choses, ses probabilités de melt-down passent donc de 20 à 25%, ce qui est encore faible, tandis que celles accordées au scénario de marché haussier nirvana glissent de 30 à 20%.


« Le ratio de 18 fois les bénéfices prévus dans 12 mois situe les actions à la frontière entre le nirvana et le melt-up. Si ce multiple passait au-dessus de 20 fois, on entrerait alors dans la phase d’exubérance du marché haussier qui a débuté le 9 mars 2009 »

Outre les bons profits, les faibles taux et l’inflation modeste, un indicateur rassure et ravive le réflexe à contre-courant de M. Yardeni: les craintes d’excès d'exubérance ornent déjà les pages couvertures de médias.

L’hebdomadaire financier Barron’s vient de titrer The Meltup before the Storm tandis que le sérieux magazine The Economist vient de coiffer l’édition du 7 octobre du titre The bull market in everything (ci-haut).

Le récipiendiaire du récent prix Nodel de l’économie, Richard H. Thaler, s’est aussi montré incrédule devant l’absence de volatilité alors que «nous vivons les moments les plus risqués de notre vie». Pourtant, le prix Nobel lui a été accordé pour ses recherches concernant le rôle du comportement irrationnel des humains sur l’économie.

Fidèle à son stoïsme habituel, le stratège en chef de Weeden Capital Management, Jim Paulsen, a ajouté son grain de sel à un débat qui risque de hanter les cours pendant encore plusieurs trimestres: «bien que les indices soient à des sommets, un mur de soucis plus persistants et plus sérieux que d’habitude gardent justement en échec une montée d’euphorie».

La Bourse avance au fil des changements de son leadership pendant que la croissance économique la plus lente depuis la deuxième guerre mondialeretient l’inflation, a-t-il observé.

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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