La Bourse ne cesse de confondre les sceptiques

Publié le 03/06/2017 à 09:58

La Bourse ne cesse de confondre les sceptiques

Publié le 03/06/2017 à 09:58

(Photo: Getty)

Certains appréhendent l'inévitable repli. D’autres au contraire redoutent déjà l'enflure d’une nouvelle bulle techno «à la 2000».

Pendant que ces investisseurs s’énervent, le mouvement haussier poursuit son petit bonhomme de chemin, et ce, un peu partout dans le monde.

La Bourse mondiale s’est appréciée de 1,8% en mai, pour un septième mois de gains, du jamais vu depuis plus de dix ans.

Aux États-Unis, le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq ont tous ajouté à leurs gains en mai et s’offrent de nouveaux sommets en ce début de juin.

Le S&P/TSX fait bande à part, avec un recul de 1,5% en mai, mettant ainsi fin à 15 mois consécutifs de rendement total positif, un record.

Malgré tout, le secteur industriel, avec le Canadien National (CNR,105,86$) en tête, compense pour la faiblesse des poids lourds de la finance et de l’énergie, depuis le début de l’année.

Rien ne semble arrêter l’élan de la Bourse même pas les plus récentes frasques du président Trump qui se met à dos les leaders européens et les 175 signataires de l’Accord de Paris, en l’espace de deux courtes semaines.

En même temps, son gendre est au cœur des allégations de collusion avec les Russes alors que l’ex-chef du FBI s’apprête à témoigner publiquement à moins que la Maison blanche n’y appose son veto.

Et que dire du budget et de la réforme de la santé de l’administration Trump qui ont été mal reçus parce que les Républicains de carrière au Sénat craignent déjà pour leur réélection l’an prochain.

Les profits avant tout

On sait pourquoi les actions continuent de monter. Les entreprises américaines viennent de connaître leur meilleur trimestre depuis 2011. Les revenus ont crû de 6,9% et les bénéfices de 14,5%, au premier trimestre, rapporte Yardeni Research.

Les marges de profits tournent autour de 10,5% depuis le troisième trimestre de 2016. Cela se compare au creux record de 2,4%, touché en 2008.

La croissance économique mondiale, la reprise en Europe et la stabilité en Chine alimentent revenus et profits des entreprises.

Malgré le recul du pétrole, les analystes mondiaux sont les plus nombreux à réviser leurs prévisions à la hausse qu’à la baisse depuis 2014, indique Bank of America Merrill Lynch.

Les estimations pour les entreprises américaines reprennent le haut du pavé et s’améliorent le plus par rapport à celles des autres régions du monde, depuis deux mois.

Le taux de révision sur trois mois des prévisions pour les entreprises du S&P 500 dépasse le taux de révision mondial pour la première fois depuis septembre et l’avance est la plus prononcée depuis un an, précise aussi ce courtier.

Le recul de 5,6% du dollar américain par rapport à un panier de six devises à ce jour en 2017 est évidemment un baume pour les exportateurs et les multinationales, qui profitent en plus du rythme de croissance plus soutenu des économies étrangères.

Des taux encore favorables

En même temps, les économies mondiale et américaine ne sont pas trop robustes pour faire grimper les taux, ce qui confère au marché haussier de bonnes chances de perdurer.

Les taux américains repères de 10 ans sont retombées à 2,15% le 2 juin, en deça de la fourchette de 2,3 à 2,6% dans laquelle ils évoluaient depuis les élections. Le creux de 1,36% remonte à juillet 2016.

Certains croient que le recul des taux annonce une économie au ralenti, mais d’autres observateurs l’attribuent tout simplement à l’inflation modérée qui favorisera une remontée très graduelle des taux bénéfique à la valeur des actions et des dividendes.

Le rendement de 5,2% que procurent les bénéfices attendus en 2017 (130$US pour le S&P 500) est encore supérieur à celui des obligations. En plus, ces bénéfices croissent et les entreprises versent de plus en plus de bons dividendes, alors que les coupons d'intérêt des obligations sont fixes. 

L’économie américaine se dirige vers une croissance de 3,4% au deuxième trimestre, selon l’indicateur GDPNow, une nette amélioration par rapport au rythme affaibli de 1,2%, au premier trimestre.

Par contre, le secteur bancaire souffre des bas taux en Bourse par les temps qui courent, car si des taux faibles d’intérêt stimulent les prêts, les marges se compriment.

Le mythe d’Icare pour décrire le mouvement haussier

Michael Hartnett, stratège en chef de Bank of America Merrill Lynch a baptisé le dernier élan boursier «Icarus trade», en référence au mythe d’Icare, ce demi-Dieu qui meure en s’approchant trop du soleil.

Si le stratège voit des signes d’excès, en technologie notamment, il reconnaît que cette phase d’ascension pourrait durer plus longtemps qu’on le croit.

Pourquoi? Parce que trop d’investisseurs attendent encore une chute et ne croient pas possible que l’économie américaine et mondiale se ré-accélèrent.

«Le consensus est optimiste à contrecoeur», évoque le stratège. Même les titres de technologie jouent davantage un rôle de «couverture de sécurité» que de réel pari de croissance.

L’encaisse est encore relativement élevée en portefeuille (4,5%) tandis que la répartition en actions des pros (54%) reste encore sous la moyenne de 58% des 15 dernières années.

Les investisseurs mondiaux ont bel et bien investi 141 milliards de dollars américains en actions depuis le début de l’année, mais ce total reste encore inférieur aux capitaux de 168G$US placés dans les obligations.

Les énormes liquidités mises en circulation par les banques centrales dopent encore Wall Street, les secteurs "d’uber-croissance" ou "d’uber-dividende" en tête comme en témoigne le rendement annualisé de 125% des titres internet des marchés émergents ou celui de 18% des obligations les plus risquées des titres à rendements élevés, signale M. Hartnett.

«Icare se rapprochera du soleil jusqu’à ce que la bulle financière, et non pas l’économie, oblige la Fed à resserrer plus énergiquement sa vis monétaire», dit-le stratège.

Ce que je retiens de ces analyses, c’est qu’il vaut mieux se fier aux données sur le terrain et laisser le théâtre de la politique aux politiciens quand la Bourse est en cause.

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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