Bourse: faut-il craindre un effet de contagion des «junk bonds»?

Publié le 14/12/2015 à 16:47

Bourse: faut-il craindre un effet de contagion des «junk bonds»?

Publié le 14/12/2015 à 16:47

Le plongeon du pétrole et des ressources, ainsi que les déboires de trois fonds américains d’obligations de pacotille (junk bonds), font craindre une récession ou pire, une nouvelle crise financière.

Le changement imminent du régime de taux par la Fed, en même temps que les pros remanient leur portefeuille, accentuent l’anxiété en cette fin d’année.

À Toronto, le portrait s’enlaidit. Le 14 décembre, le S&P/TSX a glissé sous les 13 000, à son plus bas niveau en 2 ans, en même temps que le pétrole tombait sous 35$ US le baril à New York.

L’indice torontois a creusé son déficit à 13% depuis le début de 2015.

Carl Icahn, Jeffrey Gundlach et Bill Gross ont tout lancé des avertissements concernant les risques des obligations de sociétés, mais d’autres observateurs recommandent aux investisseurs de garder leur calme, dans cette nouvelle tempête.

Mauvaise impression de déjà-vu

La liquidation des fonds d’obligations de pacotille de Third Avenue, Stone Lion et Lucidus Capital ne présage pas le danger systémique qu’avait eu le gel des fonds d’hypothèques à risque de BNP Paribas ou la faillite du courtier Lehman Brothers, en 2007.

Peter Tchir, le chroniqueur de Forbes, rappelle que le fonds commun Third Avenue Focused Credit Growth a investi dans les titres les plus risqués du segment des obligations à haut rendement, soit les sociétés en difficultés financières et même les sociétés privées.

En juillet, la moitié de ses titres n’était même pas évaluée par les agences de notation de crédit, révèle-t-il.

Quelque 45% du fonds était constitué d’obligations de catégorie CCC, CC ou C, soit la cote de crédit tout juste au-dessus de celle de défaillance.

Et pour ceux qui s’inquiètent du manque de négociabilité des obligations de pacotille, M. Tchir soutient qu’au contraire les forts volumes de transactions des derniers jours, tant dans les fonds négociés en Bourse d’obligations de société que les titres de couverture de défaillance, signalent que le marché des obligations de sociétés fonctionne plutôt bien.

Certains pros, tels que Michael Buchanan, de Western Asset Management et Howard Marks, de Oaktree Capital, voient même dans le mouvement de capitulation de fin d’année des occasions d’achat.

Le rendement des obligations de pacotille de l’indice de Bank of America Merrill Lynch a grimpé de 5,16% le 24 juin, à 8,75%, le 11 décembre.

Ces obligations offrent aussi un rendement de 6,6% supérieur à celui des obligations gouvernementales, le plus depuis 2011.

Dit autrement, ces titres compensent mieux qu’avant le risque que l’investisseur assume quand il les achète.

Pas de contagion pour l’instant

Ed Yardeni, l’économiste à la tête de sa propre firme de recherche indépendante, surveille la situation de près pour détecter tout signe de contagion de la débandade des obligations de pacotille à l’économie et à d’autres placements.

Pour l’instant, l’économiste s’efforce de rester zen.

Cette fois, la bulle de crédit a surtout été financée par le marché des capitaux, au lieu des banques commerciales. Les pertes contaminent donc moins le système bancaire.

Et puisque les pertes dépriment surtout les rendements des porteurs des obligations de sociétés, les pros, elles nuiront peu à l’effet de richesse des consommateurs et elles auront peu d’effet de contagion sur l’activité économique», espère l’économiste.


« Les pertes dépriment surtout les rendements des porteurs des obligations de sociétés, les pros, elles nuiront peu à l’effet de richesse des consommateurs et elles auront peu d’effet de contagion sur l’activité économique »


«La cour de ferraille (junkyard) est relativement petite dans l’ensemble des marchés financiers. Aussi, le risque de défaillance se concentre surtout dans les ressources. Les petits investisseurs ont moins d’obligations de pacotille que les pros. Le plus gros fonds négocié en Bourse, le iShares iBoxx $ High Yield Corporate Bond, ne pèse que 15 milliards de dollars», écrit-il.

Si les entreprises perdaient leur accès au marché du crédit par exemple, on verrait toutefois les rachats d’actions et les fusions et les acquisitions se tarir rapidement.

M. Yardeni cite aussi l’agence Fitch Ratings qui prévoit que le taux de défaillance des obligations de sociétés passera de 3,5% en 2015 à 4,5%, l’an prochain.

Sans l’énergie et les producteurs miniers, le taux de défaillance sera de seulement 1,5% l’an prochain, par rapport à une moyenne de 2,1%, hors des périodes de récession.

«Hormis le secteur de l’énergie, les entreprises ont encore un bon accès au marché du crédit, et leurs bénéfices sont globalement bons», note aussi l’équipe de Fitch.

M. Yardeni fonde aussi son optimisme prudent sur la Réserve fédérale qui réagirait à une détérioration des perspectives économiques.

L’humeur plus dépensière du consommateur américain le rassure aussi puisqu’elle repose sur l’amélioration du marché de l’emploi et les récentes hausses salariales.

«La perception générale veut que les risques de récession augmentent, mais nous croyons que ce scénario est encore peu probable», conclut-il.

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
Sujets liés

Économie , Bourse

Blogues similaires

Bourse: la Banque Royale fait trembler le marché des actions privilégiées

19/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. La Banque Royale envoie un signal clair qu'elle pourrait racheter toutes ses actions privilégiées.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Verizon, le nouveau défi de Manon Brouillette

Édition du 16 Juin 2021 | Stéphane Rolland

ANALYSE. La notoriété a une dimension régionale. La nomination de Manon Brouillette à la ...