Rona: quelle est la responsabilité des administrateurs?

Publié le 04/02/2016 à 10:31

Rona: quelle est la responsabilité des administrateurs?

Publié le 04/02/2016 à 10:31

Par Diane Bérard

Qui sera la prochaine Rona? La question me trotte dans la tête depuis hier matin, alors que je me suis réveillée au son de l’annonce de l’achat du détaillant québécois par l’entreprise américaine Lowe’s.

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La vie est drôlement faite. En après-midi, j’étais invitée à discuter de gouvernance avec des étudiants au MBA à l’ESG. Il était question de l’évolution du rôle des administrateurs. J’ai évoqué, entre autres, les jugements Wise vs People et BCE. Dans les deux cas, les juges ont indiqué que la responsabilité des administrateurs va au-delà du devoir de création de valeur envers les actionnaires.

Deux jugements qui rappellent les vrais devoirs des administrateurs

Voici un extrait du jugement Wise vs People

«(…) directors do not owe a fiduciary duty to creditors pursuant (...). This section requires directors to 'act honestly and in good faith with a view to the best interests of the corporation.' The Court made it clear that directors owe a fiduciary duty only to the corporation and not to any one group of stakeholders. However, the court said that when acting in the best interests of the corporation, it may be appropriate, given the factual circumstances, for the directors to consider, among other factors, the interests of the shareholders, employees, suppliers, creditors, consumers, governments and even the environment.»

Et voici un extrait du jugement BCE

«l’obligation des administrateurs d’agir au mieux des intérêts de la société inclut le devoir de traiter de façon juste et équitable chaque partie intéressée touchée par les actes de la société.»

La professeure qui m’a invitée à parler à ces étudiants est Louise Champoux-Paillé, une administratrice émérite qui a siégé et siège à de nombreux conseils d'envergure. Elle a d’ailleurs reçu le prix du Gouverneur général en 2014, pour l'ensemble de sa contribution.


« Les entreprises QC sont des proies. Mais le devoir des administrateurs inclut toutes les parties prenantes, pas seulement les actionnaires. »

Mais qu'est-ce qui a changé entre 2012 et 2016?

J’ai interviewé Louise en 2012, alors que Lowe’s avait fait une offre d’achat hostile pour Rona. Elle avait émis des réserves quant à l’impact positif de cette transaction sur l’économie du Québec. Ce fut d’ailleurs le sentiment général et la transaction n’a pas eu lieu.

Quatre ans plus tard. Lowe’s récidive. Cette fois, le conseil de Rona a accepté. Qu’est-ce qui a donc changé depuis 2012? D’après ce que je comprends, deux facteurs ont changé. D’abord, l’offre a été sérieusement bonifiée. Ensuite, Lowe’s laisse planer la menace d’ouvrir ses propres magasins au Québec. Ce qui concurrencerait Rona dans un marché passablement encombré. Je vous suggère la chronique de mon collègue François Pouliot à propos des intentions de Lowe's.

Résumons: une transaction qui n’était pas avantageuse pour l’économie du Québec en 2012 est devenue acceptable parce que l’acheteur a augmenté le prix et évoqué la menace de concurrence. «Vous êtes à moi ou contre moi!»

Et le long terme?

Le conseil de Rona aurait donc accepté cette transaction parce qu’elle favorise les actionnaires et que cela limite les dommages pour l’entreprise à court et moyen terme. Mais qu’en sera-t-il du long terme? Lorsque tous les actionnaires de Rona auront profité du fruit de la vente de leurs actions, comment se porteront les marchands et les fournisseurs? Et où travailleront les employés actuels de Rona? Et qui financera les activités communautaires auxquelles Rona contribue présentement?

Il me reste une dernière question, celle du départ: qui sera la prochaine Rona? La faiblesse de notre devise fait de nos entreprises des proies de choix. Des entreprises se vendent et s’achètent tous les jours, c’est la vie. Mais les entreprises québécoises se trouvent actuellement en position de vulnérabilité. Il me semble opportun de rappeler aux administrateurs qu’ils ont un devoir envers toutes les parties prenantes, pas seulement les actionnaires.

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