Quand une entrée en Bourse dérape

Publié le 09/02/2016 à 10:52

Quand une entrée en Bourse dérape

Publié le 09/02/2016 à 10:52

Par Diane Bérard

Imaginez la scène suivante: c’est le mois de février, vous roulez sur une avenue pentue et glacée. Votre voiture dérape. Vous tentez de reprendre le contrôle. C’est inutile. Vous savez ce qui vous attend: vous allez vous casser la figure. Ça c’est à quoi ressemble une entrée en Bourse qui tourne mal, selon Lloyd Segal (ex-entrepreneur, administrateur, aujourd’hui associé chez Persistence Capital).

 Vous avez brûlé tout l’argent neuf des investisseurs. Les administrateurs fuient le navire les uns après les autres. Et vous n’avez plus de temps pour un plan B. Voilà l’autre visage d'un premier appel public à l'épargne (PAPE). Celui dont on parle peu.

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Ce matin, au petit déjeuner de l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS), nous avons eu droit aux deux côtés de la médaille. Les PAPEs heureux… et les autres.

"Votre voiture dérape sur la glace. Vous tentez de garder le contrôle, mais c'est inutile. C'est ça une entrée en Bourse qui dérape."

BRP est entrée en Bourse en 2013. Un PAPE minutieusement préparé. Dix-huit mois avant, l’entreprise a créé trois comités au sein de son ca. Chacun dirigé par un administrateur indépendant. Un an avant, BRP a mandaté une ressource externe pour piloter l’entrée en Bourse, afin que la direction puisse continuer à gérer l’entreprise au quotidien. À cela se sont ajoutés de nombreux mois d’échanges musclés, mais constructifs, entre le c.a. et la direction à propos des informations qui seraient divulguées publiquement et celles qui demeureraient confidentielles. Sans compter que tous les trimestres, BRP organisait des webinaires pour présenter ses résultats à ses employés disséminés à travers le monde. Une répétition pour le jour où elle aurait à le faire devant ses investisseurs.

«BRP c’est le cas parfait, commente Lloyd Segal. C’est ainsi que les choses devraient se passer dans un monde idéal. Mais, pour les PME, aller en Bourse donne plutôt lieu à une série de chocs.»

«Quoi? Vous voulez que je sorte de la réunion?»

Imaginez la tête du fondateur la première fois que vous lui demandez de quitter la réunion du c.a. parce que c’est l’heure de la session «in camera», c’est-à-dire le moment où les administrateurs peuvent d’exprimer librement sur le contenu de la réunion ou n’importe quel autre enjeu lié à l’entreprise ou à la direction. «Cela ne peut pas bien se passer, souligne Lloyd Segal. Et ce n’est qu’un choc parmi tous ceux que la direction aura à absorber dans ce processus.» Ces chocs sont à la fois techniques et humains.

Des chocs techniques parce qu’il y aura une tonne de paperasse à remplir, toujours pour hier, tout en continuant de s’acquitter de ses fonctions régulières.

Des chocs humains parce que pour passer à travers ce processus avec succès, il faudra probablement se départir de certains collègues. Des employés présents depuis la première heure. Des employés fidèles qui ont contribué au succès de l’entreprise. Des employés qui n’ont ni les compétences ni l’expérience requise pour passer à travers l’entrée en Bourse. Et encore moins pour la vie après l’entrée en Bourse.

C’est votre histoire, écrivez-là vous-même…

«Lorsque vous entrez en Bourse, tout le monde a un avis, prévient José Boisjoli, pdg de BRP. Vous recevrez des conseils de toutes parts. Écoutez-les, mais ne laissez personne écrire votre histoire à votre place. Écrivez-la vous-même et demandez conseil ensuite pour déterminer comment la raconter.»

… et choisissez bien à qui vous la racontez

Tout appel public à l’épargne est précédé d’une tournée des investisseurs («road show») au cours duquel l’entreprise se présente aux bailleurs de fonds.

«Si c’était à refaire, j’identifierais moi-même les influenceurs financiers de mon industrie, plutôt que de suivre la liste montée par mon banquier», confie Lloyd Segal. «J’aurais appelé des entrepreneurs de mon secteur pour identifier les gestionnaires de portefeuille qui comprennent mon type d’entreprise et qui peuvent m’aider à la faire comprendre. Votre banquier ne passera pas des heures à identifier ces gestionnaires de portefeuille. Il n’aura pas la même persévérance que vous.»

S'il y en a parmi vous qui songent à aller en Bourse, vous voilà prévenus!

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