Les Scandinaves doivent-ils leur bonheur aux Américains?

Publié le 10/04/2015 à 13:36

Les Scandinaves doivent-ils leur bonheur aux Américains?

Publié le 10/04/2015 à 13:36

Par Diane Bérard

BLOGUE. Les États-Unis servent-ils à faire bien paraître les pays scandinaves? Le capitalisme « extrême » pratiqué aux États-Unis permettrait-il aux économies des pays scandinaves de pratiquer un capitalisme plus « humain »?

On a beau vanter le modèle économique scandinave, il est impossible de le reproduire à grande échelle, car le monde fonctionne grâce à l’asymétrie des modèles économiques, estiment les professeurs Daron Acemoglu (MIT), James A. Robinson (Harvard) et Thierry Verdier (PSE).


« La Scandinavie peut pratiquer un capitalisme social parce qu'elle profite du capitalisme extrême des États-Unis et de son taux d'innovation. »

Les inégalités poussent à innover

Sur notre planète interconnectée, les choix économiques et sociaux d’un État influencent la réalité et le quotidien des citoyens des autres États. Prenons la technologie :

-la technologie développée dans un pays permet à d’autres économies de croître et innover;

-la vigueur de l’innovation technologique d’un pays dépend des incitatifs et des récompenses liées à l’innovation.

Plus le fossé, économique, est important entre les entrepreneurs qui réussissent et ceux qui échouent, plus grande sera la motivation à innover. Donc, plus une société affiche d’inégalités, plus innovante elle serait.

Conclusion : si l’économie américaine migre vers un capitalisme plus social ce sera toute l’économie mondiale qui ralentira. Les Scandinaves auraient donc peu à voir avec leur bonheur… ils le doivent plutôt aux Américains!

Je caricature un peu. En fait, ces professeurs reconnaissent qu’une économie plus égalitaire peut être aussi riche et aussi vigoureuse qu’une économie inégalitaire… tant qu’il existe des économies inégalitaires à ses côtés.

Je ne suis pas convaincue d’adhérer en bloc à cette thèse. Mais elle n’est pas non plus tirée par les cheveux. Je pense à certaines économies d’Afrique et d’Asie où l’on pratique intensément l’innovation frugale, ces innovations que l’on réalise avec peu de moyens – et beaucoup d’ingéniosité - mais qui peuvent donner des résultats importants. Dans ces sociétés peu égalitaires, un entrepreneur qui réussit se distingue du lot de façon importante. L’incitatif à innover est donc puissant.

Le Costa Rica et le Chili, meilleurs que les États-Unis en terme de progrès social

Je parle de tout cela car qu’aujourd’hui est publié la seconde édition du Social Progress Index, un indice qui mesure le niveau de progrès social d’une société. C’est le seul indice qui ne contient aucune mesure économique. Il a été créé pour comparer, pour une même société le niveau de progrès économique (croissance du PIB) et le niveau de progrès social. Ceci pour voir jusqu’à quel point un État tire profit de sa richesse pour générer du progrès social. Les pays scandinaves s’en tirent bien. Les États-Unis, eux, s’en tirent plutôt mal. Leur richesse économique génère bien peu de progrès social. Ce qui a donné lieu à la réflexion « pourquoi ce sont toujours les Scandinaves qui arrivent premiers dans les classements? »

Réfléchir au lien entre progrès économique et progrès social permet de raffiner la notion de progrès et de bonheur des citoyens. Certains États moins fortunés exploitent beaucoup plus judicieusement que d’autres une richesse bien plus faible. Le Costa Rica et le Chili, par exemple. Ce qui nous pousse nous demander si le progrès social d'une société ne tiendrait pas plus à l’idéologie de ses dirigeants qu’à son niveau de richesse. De la matière à réflexion pour le gouvernement des Etats-Unis… et celui du Québec.

 

 

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